Deux regards - deux opinions
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RÉPARER LES VIVANTS (selon Christie)

Katell Quillévéré

Emmanuelle Seigner, Anne Dorval, Kool Shen, Tahar Rahim, Bouli Lanners, Gabin Verdet, Monia Chokri, Alice Taglioni, Dominique Blanc

103 min.
9 novembre 2016
RÉPARER LES VIVANTS (selon Christie)

Simon, un adolescent amoureux, avide de vivre et passionné de surf, est grièvement blessé dans un accident de voiture. Il souffre d’un traumatisme crânien incurable, et très vite, les médecins le déclarent en état de mort cérébrale. Aux parents de Simon (Emmanuelle Seigner et Kool Shen), ravagés par une souffrance qui dépasse les mots et l’imagination, le corps médical suggère d’envisager un don d’organe.

Adapté du best-seller de Maylis de Kerangal, Réparer les vivants relève l’audacieux défi de porter à l’écran deux sujets sensibles et encore très tabous dans nos sociétés occidentales : la mort et le don d’organe. Brillamment mis en scène par Katell Quillévéré (lire notre interview), le film donne encore plus d’ampleur au livre en offrant au spectateur un angle de vue à 360 degrés sur ces délicates questions [1].

En suivant le voyage d’un cœur encore plein de vie, la narration est à l’image de cette transplantation et invite le spectateur à pénétrer avec une grande pudeur dans l’intimité émotionnelle de toutes les parties impliquées. De Simon et ses parents affligés par une incommensurable douleur et brusquement confrontés à un terrible dilemme, en passant par la délicate position du corps médical et du personnel soignant, jusqu’au receveur (Anne Dorval) et à sa famille, la jeune réalisatrice parvient à nous plonger dans la temporalité sensible de chacun des protagonistes. En développant son sujet à travers trois angles de vue qui l’un après l’autre se relaient, le film ne se limite donc pas à une littéralité clinique mais met en scène une mosaïque familiale et socialement plurielle derrière laquelle se révèlent des vies et des êtres extraordinairement humains, parfois en proie à des sentiments contradictoires, et qui, pour beaucoup, détiennent un énorme potentiel identificatoire et cathartique.

En maintenant en équilibre la tension dramatique, réaliste et médicale d’une aventure scientifique qui d’une part, nécessite l’urgence et, d’autre part, les émotions qui se jouent au cœur de chaque univers concerné, le film suscite des sensations physiques autant qu’il révèle une métaphysique profondément apaisante. Lumineux par son approche poétique de l’image, métaphorique et hautement symbolique (notamment à travers l’élément aquatique), musicalement envoûtant, Réparer les vivants évoque plus la pulsion de vie que la mort, il nous parle d’amour et du don de soi bien au-delà du don d’organe. In fine, il réconcilie les vivants avec la mort, qui devient-elle-même génératrice de vie et synonyme de renaissance.

(Christie Huysmans)

[1Si dans le roman, Maylis de Kerangal évoque l’histoire de Simon et de sa famille ainsi que le parcours de cette transplantation, le point de vue du receveur est quant à lui très limité. Katell Quillévéré a donc élargi l’amplitude du sujet en donnant davantage de corps et d’âme au receveur, incarné magistralement par Anne Dorval.