Juin 2023 Devant et derrière la caméra, elles font des films - Étude des productions audiovisuelles belges francophones sur une décennie.

Collectif "Elles font des films" Etude réalisée avec la chercheuse Sarah Sepulchre et son équipe de l’UCLouvain.

Des réalisatrices, des techniciennes et des représentantes d’autres professions de l’industrie audiovisuelle (productrices, programmatrices, distributrices…) ont fait alliance. Elles militent ensemble pour l’arrêt du sexisme dans les œuvres et à toutes les étapes de la filière cinématographique : écriture, développement, production, diffusion, exploitation. Elles œuvrent à un cinéma qui donne voix et voie aux femmes et à toutes les personnes minorisées. Un cinéma d’émancipation qui déploie de nouveaux imaginaires et récits, et laisse place à d’autres manières de les produire. (extrait du Manifeste de EFDF qu’on peut lire sur le site ellesfontdesfilms.be).

Afin de lutter contre le sentiment d’invisibilisation des créatrices et techniciennes de la filière du film belge francophone, le Collectif développe des outils et actions concrètes : publications, formations, livre blanc, cellules d’écoute… et ceci dans un dialogue constant avec les pouvoirs publics sur les mesures à mettre en place.

C’est dans ce cadre que "Elles font des films" a initié la plus grande étude genrée menée à ce jour sur le territoire : Devant et derrière la caméra, elles font des films - Étude des productions audiovisuelles belges francophones sur une décennie.

Méthodologie : l’étude porte sur 799 films produits en Fédération Wallonie-Bruxelles. Les statistiques liées aux équipes des films ont été obtenues à partir de l’analyse des génériques de 614 œuvres soutenues en production et coproduction par le Centre du Cinéma et de l’audiovisuel entre 2012 et 2020 (données de base fournies par le CCA). La partie liée aux personnages des films a été réalisée grâce à l’étude de 311 films présentés aux Magritte du Cinéma entre 2011 et 2022.

DES CHIFFRES, ENCORE DES CHIFFRES ?
D’autres études avant celle-ci ont déjà pointé les chiffres catastrophiques de la présence des femmes dans l’industrie audiovisuelle.
Nous pensons aux études de la San Diego University, à celles de l’Observatoire Européen de l’Audiovisuel, du Lab “Femmes de Cinéma” et du CNC en France, de MaLisa en Allemagne, de Réalisatrices équitables au Québec. Et en Belgique, aux études de Elles Tournent et à celles de Sarah Sepulchre qui, depuis plusieurs années, dresse, pour le Centre du Cinéma, un bilan des personnages donnés à voir dans les films nominés aux Magritte du cinéma belge.
Notre étude s’inscrit dans cette continuité d’avancées internationales et propose une base statistique sur un temps long, qu’il conviendra d’alimenter et de mettre à jour d’année en année. Elle s’attache notamment à la progression des carrières, à la corrélation entre le genre des cinéastes et leurs équipes et à la mise en scène de nos diversités sociales à l’écran. Elle est accompagnée également de propositions de mesures concrètes.
Une Tribune du Lab “Femmes de Cinéma” parue en amont du festival de Cannes 2023, et co-signée par Elles Font des Films, revenait sur l’importance des statistiques :

“La lassitude, année après année, de parler de la sous-représentation des femmes dans le cinéma, nous la ressentons tou.te.s. Pourtant, rappeler les chiffres des femmes cinéastes restera une nécessité aussi longtemps qu’ils demeureront aussi faibles et qu’elles continueront à “s’évaporer” après chaque nouveau film. En moyenne européenne, si les femmes constituent la moitié des effectifs dans les écoles de cinéma, elles ne sont en effet plus qu’un tiers au moment du premier court métrage, proportion qui passe à un quart pour les premier et deuxième longs métrages, puis à un sixième au moment du troisième long métrage et plus. Toujours au niveau européen, la part des films de réalisatrices est passée entre 2012 et 2021, de 19 à 23,6%, ce qui à ce rythme, pourrait nous permettre d’atteindre la parité…en 2080 !”

L’étude complète sera disponible sur notre site ellesfontdesfilms.be
dès la rentrée prochaine (automne 2023).

PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE EN TROIS POINTS MAJEURS

FOCUS : LES RÉALISATRICES

Elles sont à la tête de 36% des films d’initiative belge francophone soutenus en production par le CCA entre 2012 et 2020 (394 films analysés).

Elles réalisent seulement 21% des long-métrages de fiction d’initiative belge francophone soutenus en production par le CCA (70 films analysés).

Pour l’immense majorité, elles sont cantonnées au 1er et 2ème film. Sur cette période, seule Marion Hänsel passe la barre du 2ème collège (à partir du 3ème film) avec En amont du fleuve.

4 autres réalisatrices franchissent le cap du 3ème film sur cette période…grâce à la coréalisation : Jessica Woodworth (réalisatrice de King of Belgians, avec Peter Brossens), Hélène Cattet (réalisatrice avec Bruno Forzani de Laissez bronzer les cadavres), Fiona Gordon (réalisatrice avec Dominique Abel de Paris, pieds nus), et Anne Paulicevich (réalisatrice de Filles de joie avec Frédéric Fonteyne).

FOCUS : LES ÉQUIPES DES FILMS
L’étude de 23 postes clés de la production d’un film montre une polarisation genrée des métiers du cinéma.
Les techniciennes sont très majoritairement représentées dans les métiers “dits féminins” (maquillage, scripte, costumes).
Leur nombre chute rapidement pour les autres postes : en long métrage de fiction, pour 16 postes sur 23, le pourcentage de femmes tombe même en dessous de 30%

Long-métrage de fiction : quelques films et postes emblématiques
Sur les 70 long-métrages d’initiative belge francophone soutenus en production par le CCA entre 2012 et 2020 :
An Pierlé est la seule compositrice. Sur Le tout nouveau testament (Jaco van Dormael).
Elles sont 2 mixeuses sur cette période. Sur Dalva (Emmanuelle Nicot) et sur Emma Peeters (Nicole Palo).
4 films ont engagé des cheffes opératrices son. Dont Aline Huber, sur deux films de Rachel Lang : Mon légionnaire et Baden, Baden.
Les directrices de la photographie sont présentes sur 12 films. En majorité, elles sont cantonnées aux 1er et 2ème films. Seules Juliette van Dormael (Filles de joie et Mon ange) et Virginie Saint Martin (Bye Bye Germany) ont travaillé sur des films déposés au 2ème collège.

Et en documentaire ?
L’analyse des données des films documentaires est implacable : lorsqu’il y a une femme aux manettes, il y a davantage de femmes dans l’équipe.
Elles sont près de 45% de réalisatrices.
Et pour 11 postes clés sur 23, elles représentent plus de 30% de la profession.
Les productrices déléguées représentent ⅓ de leur profession,
les cheffes monteuses images 42%.
On note même la présence d’une cheffe machino sur un long métrage documentaire de coproduction (Gigi la legge).

FOCUS : LES PERSONNAGES DES FILMS
Le cinéma est l’autoroute des stéréotypes. Il modélise les imaginaires, ce qui lui confère une importante responsabilité.
En tant que dispositif de représentations, il est urgent que le cinéma soit plus représentatif de notre société. Aujourd’hui, trop de personnages et récits demeurent encore dans l’angle mort.
De cette façon le “neutre social” qui se dégage de l’étude est le personnage d’un homme cisgenre à 59,1%, blanc à 83,8%, hétérosexuel à 74,3%, sans religion apparente à 74,4%, en bonne santé à 74,1%, issu de classes populaires à 42,4% et de corpulence mince ou poid moyen à 82,3%. Ce personnage a entre 31 et 45 ans à 35%.
Le principe du “neutre” invisibilise les autres profils de personnages et tend à en faire des figures d’exceptions qui n’échappent pas aux stéréotypes.
Avons-nous tendance à choisir, voir, raconter des histoires et des personnages qui nous ressemblent ? En ce sens, il serait intéressant de se questionner : qui a accès à la création en Belgique francophone ?
Les choses évoluent, mais bien trop lentement. De nombreux personnages féminins n’existent qu’au second plan pour valoriser le héros et éventuellement l’aider dans sa quête.
La palette de personnages féminins est de ce fait plus réduite que celle des personnages masculins et les personnages féminins tombent plus facilement sous le coups des archétypes.

Quelques chiffres
Sur 216 long métrages de fiction passés par les Magritte du Cinéma entre 2011 et 2022 :
Les femmes sont les héroïnes de 40% des longs métrages de fiction. Contre 59,1% pour les hommes et 0,9% pour les trans ou personnes non binaires.
Ces héroïnes sont à 80% de type caucasien (contre 84% pour les hommes).
Elles sont à 11% perçues par les encodeureuses comme d’origine arabe.
4% des héroïnes de nos fictions sont noires de peau.
Elles ont souvent entre 18 et 45 ans (près de 70% d’entre elles), et sont proportionnellement plus jeunes que les hommes (il y a trois fois plus d’hommes parmi les personnages de plus de 46 ans).
Elles sont minces ou très minces (à 67%), proportionnellement plus que les hommes en tout cas (il y a 4 fois plus d’hommes que de femmes en surpoids parmi les personnages principaux).
Nos héros et nos héroïnes sont globalement en bonne santé (à 75%). Les femmes souffrent davantage de troubles mentaux (15% contre 9%), mais moins d’addiction (3% contre 9%).

Au-delà du constat, que peut-on mettre en place comme mesures pour un secteur plus inclusif et paritaire en Belgique francophone ?

CONTACT POUR INTERVIEW ET INFOS COMPLÉMENTAIRES :
Barbara Van Lombeek / THE PR FACTORY
barbara@theprfactory.com
GSM : +486 54 64 80

Le Collectif ELLES FONT DES FILMS est né en Belgique francophone en juin 2017.
Il compte aujourd’hui près de 200 membres.