Bozar a accueilli Ruben Östlund pour une séance de questions-réponses avec le journaliste Stanislas Ide ainsi qu’avec le public.
Au cours de cette interview, nous avons pu en apprendre un peu plus sur les influences qu’a subies Ruben Östlund, dont le modèle principal est Michael Haneke mais également sur ses motivations à faire du cinéma, à savoir réunir un ensemble de personnes face à un film dans le but de les faire réfléchir et débattre sur des sujets de société.
A ses yeux, le cinéma est essentiel à cette époque où un grand nombre de personnes restent scotchées à leur petit écran individuel et n’entrent plus en réelle communication avec les autres.
Intéressante était également son approche de la culture européenne face à la culture américaine. Plein d’humour, il explique comment nous, européens, une fois que nous avons touché nos subsides pour faire notre film, ne faisons pas systématiquement ce qu’il faudrait qu’on fasse et avons tendance à nous reposer sur nos lauriers, là où aux Etats-Unis, celui ou celle qui a perçu des subsides met tout en œuvre pour créer une « bombe » pour ne pas mettre en péril sa carrière future ni celle des autres personnes impliquées dans le projet. Parallèlement, il explique qu’en Suède le succès n’est pas trop apprécié des pairs et que les Scandinaves ne montrent pas d’emballement extrême face au succès des autres, là où aux Etats-Unis la réussite est portée aux nues.
Projeté en deuxième partie de soirée, « Involuntary » (2008) est le premier long-métrage de Ruben Östlund et est en réalité un film composé de cinq récits parallèles qui nous sont montrés par morceaux. Tournés en plan-séquence, ils ont en commun de vouloir démontrer que le danger ne se trouve pas forcément là où on se l’imagine, mais bien dans la société, dans les autres qui nous entourent, dont le regard nous pèse et nous influence. Comme nous le savons, la vie des réalisateurs influence fortement leur œuvre, mais il est toujours chouette d’apprendre ce qui a donné naissance à quoi.
Lors de l’interview Östlund nous a raconté des moments marquants de sa vie qui se retrouvent dans « Involuntary ». Parmi ces histoires, il y a tout d’abord celle que l’on retrouve dans la partie du film consacrée à l’instit. Étant gamin, Östlund s’était endormi sur les genoux de sa mère lors d’une fête de voisinage. Sa mère s’était énervée contre les personnes présentes car elles ne la regardaient pas quand elles discutaient. A ce moment-là il s’était réveillé et était bluffé par ce que disait sa mère car confronter les autres de la sorte ne se faisait pas mais démontrait néanmoins son courage, ce qui l’a marqué à tout jamais. Et puis il y a le récit d’un de ses meilleurs amis qui donna naissance à l’histoire dans le bus. Parti en voyage en bus, son ami perdit l’équilibre après avoir été aux toilettes et s’accrocha au rideau qui ne tint pas. Après s’être rendu compte des dégâts le chauffeur du bus refusa de reprendre la route tant que la personne coupable ne se dénonçait pas. Par ce récit Östlund a voulu souligner que nous nous retrouvons tous à un moment ou à un autre dans ce genre de situations délicates où nous sommes en tort, voulons l’admettre, mais le temps passant, l’affirmation du tort devient de plus en plus compliquée voire compromise.
Ruben Östlund a donné son interview avec beaucoup de simplicité et d’humour mais également beaucoup de sensibilité. Quel ne fut pas notre étonnement d’apprendre que la phrase « In den Wolken » dans « The Triangle of Sadness » (2022) est en réalité la seule phrase que peut encore dire sa belle-mère après avoir été atteinte d’un AVC.
Ayant remporté la palme d’or pour « The Square » (2017) et « Triangle of Sadness » (2022), Ruben Östlund est un homme charmant et brillant qui présidera le jury de Cannes 2023. Ceux qui ont eu la chance de le rencontrer à Bozar en furent plus que ravis !
Astrid De Munter
Pour plus d’informations : bozar.be/fr/calendrier/meet-director-ruben-ostlund-screening-involuntary