Carice Van Houten, Sebastine Koch, Thom Hoffman, Halina Reijn
Welcome home.
Après un interlude plutôt musclé (« Total Recall ») et sexy (« Showgirls ») Verhoeven est retour chez lui aux Pays Bas pour y traiter un épisode particulièrement sombre de l’occupation de son pays par les Allemands en 1944.
Rachel, une jeune juive miraculée après avoir échappé à la rafle dans laquelle elle verra périr sa famille, est engagée par la Résistance pour séduire et espionner l’ennemi. Mission de séduction facilitée par sa beauté et son talent de chanteuse (la jeune Carice Van Houten est épatante et très convaincante dans ce rôle de cousine éloignée de Mata Hari et de la Catherine Tramell de « Basic Instinct ») mais mission périlleuse lorsqu’elle tombe amoureuse d’un officier de la Gestapo.
Le bonus de « Black book » est d’être fondé sur un parti pris scénaristique qui permet au spectateur d’entrer dans les péripéties du récit au même rythme que celui de Rachel. Avec elle il perdra sa vision simpliste des événements pour prendre, peu à peu, conscience de l’ambiguïté des relations humaines, de l’horreur de la guerre et de l’après guerre et des prédisposition à la trahison que chacun porte en soi.
Son malus est de s’attarder sur les pénombres des âmes et des corps appelés à trop complaisamment s’exprimer.
A mille lieues de la dignité de « L’armée des ombres » de Melville ou du discours de Malraux accueillant les cendres de Jean Moulin au Panthéon, Verhoeven porte sur la période un regard
barbare et violent qui renvoie dos à dos les collaborateurs et les résistants.
Pour le cinéaste, les héros n’existent pas, les hommes sont les jouets d’un destin qu’ils peinent à maîtriser, l’Histoire et les histoires sont pleines de bruit, de fureur et de sang, la frontière entre le Bien et le Mal est aussi ténue et réversible qu’un pépiement d’hirondelle.
La mise en scène, malgré sa fluidité et ses rebondissements (à la limite parfois du vraisemblable) laisse peu de place à d’autres couleurs que le noir. Noir du carnet compromettant détenu par l’une des figures emblématiques de la résistance néerlandaise auquel répond le noir de la merde sous laquelle l’héroïne sera punitivement ensevelie à la libération. Pratique sauvage dont l’actualité est toujours à l’ordre du jour si l’on s’en réfère aux honteuses pratiques d’Abou Ghraib.
Avec Verhoeven, les gouffres du cœur humain sont arpentés, les bottes d’égoutier aux pieds, remisant aux oubliettes d’un inaccessible possible le message d’une Anne Franck, qui confrontée à la même époque tourmentée, garde confiance écrivant le 9 juin 1944 soit 3 jours après le débarquement en Normandie « Il y a de plus en plus de raisons d’espérer, ça va. Oui, vraiment, ça va très bien. » Confrontation éternelle entre la candeur de la jeunesse et le réalisme désillusionné de l’adulte. (m.c.a)