Ines Eltron, Martin Piroyansky, Ricardo Darin, Valeria Bertucelli
Trois lettres pour raconter une bizarrerie chromosomique et une quête d’identité. Trois lettres situées au bout de l’alphabet pour raconter sans le tapage coloré des voyelles le chemin d’Alex.
Une jeune fille qui n’est pas comme les autres parce qu’elle est hermaphrodite. Un mélange comme on dit de nos jours d’intersexualité, de féminin et de masculin qui, à l’aube de l’adolescence - âge de tous les doutes, fragilités et parfois arrogances - l’oblige à choisir ce qu’elle souhaite devenir.
Un sujet grave que la réalisatrice va aborder avec autant de délicatesse que de résolution à ne pas esquiver les difficultés d’une situation que la biologie (*) considère comme un phénomène. Et la plupart des habitants du petit village dans lequel Alex est partie vivre avec ses parents comme une monstruosité.
Ce n’est pas la première fois que le gynandromorphisme est abordé au cinéma, mais c’est la première fois qu’il l’est d’une façon aussi pudique, sensible et respectueuse des souffrances de parents qui culpabilisent et d’une enfant qui va se trouver confrontée à la brutalité d’un monde méchamment curieux et ostracisant.
Ici pas de trace d’une émotion gonflée (« Boys dont’ cry » de Kimberly Peirce), de spectacle
(« Satyricon » de Fellini) ou d’un coup de pouce pour pimenter une intrigue (« The crying game » de Neil Jordan) mais une envie, à travers un cas particulier, d’aborder des thèmes universels comme la mise au banc d’un groupe, la difficile recherche de qui on est, l’option d’une vie dans ou hors la norme, la solidarité familiale.
Occasion aussi pour la cinéaste d’aborder le rapport à la fois culotté et hésitant que les teenagers, au détour de la puberté, entretiennent avec leur corps et celui des autres.
Même si l’histoire s’égare parfois dans un sentimentalisme un peu appuyé ou dans une sous-histoire - les relations difficiles entre un des amis de l’héroïne et son père - ce qui est mis en lumière, dans ce film adapté avec intelligence par Lucia Puenzo (**) d’un conte de Sergio Bizzio (***), c’est la montée, ardue souvent, vers le moment du choix.
Choix qui impose de renoncer ou pas à une dualité à laquelle on a eu le temps de s’attacher.
Choix difficile auquel la nature tourmentée d’Alex va donner une (quasi) résonnance métaphysique au sens premier du terme.
Le corps qu’elle choisira, celui d’un homme et/ou d’une femme, devenant en quelque sorte l’incarnation d’une destinée. D’un désir qu’il restera à assumer.
On l’aura compris XXY est un film TTI (très très intéressant).
Il a remporté lors du dernier festival de Cannes le Grand Prix de la Semaine de la Critique. (m.c.a)
(*) Métier du père d’Alex - il n’y a évidemment pas de hasard - à ce qu’il soit un spécialiste des espèces marines bisexuelles
(**) Une cinéaste qui, dès son premier film témoigne de la prodigalité inventive du cinéma argentin – Fabian Bielinsky « Nuevas reinas », Carlos Sorin « Historias mininams », Gaston Biraben « Cautiva «
(***) Les livres de Bizzio sont traduits et édités par les éditions Christian Bourgeois