Super héros
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WONDER WOMAN

Patty Jenkins

Gal Gadot, Chris Pine, Robin Wright, Danny Huston, David Thewlis, Saïd Taghmaoui, Connie Nielsen

141 min.
21 juin 2017
WONDER WOMAN

Enfin un film consacré à une super-héroïne à la hauteur de nos attentes, nous spectatrices ! À de rares occasions, nous assistons à des films d’action mettant en scène des personnages féminins forts et indépendants. Citons par exemple : « Mad Max : Fury Road », « Hunger Games », « Kill Bill ». Mais malheureusement, il existe encore tellement de contre-exemples. Le nouvel opus de la saga « Transformers » réalisé par Michael Bay vous montrera sans détour que ce n’est pas encore gagné. Mais revenons à notre sujet, car en plus d’être le premier long-métrage consacré à Wonder Woman, c’est aussi le premier film de super-héros réalisé par une femme, en l’occurrence Patty Jenkins (« Monster », 2003). Le seul regret qu’on puisse avoir, c’est que ce long-métrage n’ait pas vu le jour plus tôt. En effet, quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que le dernier film consacré à une super-héroïne remonte à 2005 avec « Elektra » de Rob Bowman. Un an plus tôt sortait l’adaptation de « Catwoman » réalisé par Pitof avec Halle Berry. Inutile de rappeler que ces deux films furent un désastre.

Il était donc plus que temps que « Wonder Woman » arrive pour sauver la situation. Le film remplit sa mission de nous divertir et nous délivre par la même occasion des messages pertinents (ce qui devrait être le cas pour chaque film, mais c’est un autre débat). Malheureusement, nous ne pouvons pas dire qu’il s’agit d’un film féministe comme la presse a pu l’annoncer largement. Une partie de la réponse se trouve dans le générique. On nous vante le fait d’avoir une femme qui tient le rôle principal dans un film réalisé par une femme. Ok, c’est cool. Mais qu’en est-il du scénario, de la production, etc. ? Lorsqu’on lit les noms qui apparaissent au générique, on constate que c’est un homme qui a écrit le scénario à partir d’une histoire rédigée par trois hommes, basée sur le personnage créé par William Moulton Marston. Quant à la production, on comptabilise deux femmes contre onze hommes. Si ce genre de raisonnement peut paraître futile, il l’est beaucoup moins quand on essaye de nous faire croire que les choses évoluent réellement à Hollywood concernant la parité homme-femme. Les studios utilisent de plus en plus le féminisme comme argument de vente. Il va donc falloir faire mieux, puisque ce sont toujours les mêmes qui prennent les décisions en coulisse. Maintenant que nous avons dit ce que nous pensions de l’hypocrisie d’Hollywood, nous allons nous intéresser plus spécifiquement au contenu du film.

« Wonder Woman » renoue avec les origines du personnage, connu également sous le nom de Diana. Elle vit sur l’île de Themyscira, royaume des Amazones, gouverné par la reine Hippolyta (Connie Nielsen) qui n’est autre que sa mère. Dans cette première partie, on assiste au passage de l’enfance à l’âge adulte de Diana. On découvre une petite fille qui n’hésite pas à désobéir pour aller voir les Amazones s’entraîner au combat. Le ton est donné et il s’agissait certainement de la meilleure façon de nous la présenter. Si Diana rêve de pouvoir s’entraîner comme ses aînées, la reine est beaucoup moins de cet avis. Très protectrice envers sa fille, elle lui interdit de toucher une arme. Mais la tante de Diana, Antiope, n’hésite pas à désobéir à sa sœur pour apprendre à la petite fille quelques mouvements de base. Antiope est en effet persuadée qu’un jour la jeune princesse en aura besoin pour combattre le dieu de la guerre, Arès. Finalement, Hippolyta acceptera que Diana soit entraînée pour devenir la meilleure guerrière.

Pendant toute son enfance, notre protagoniste est bercée de récits où on lui explique de façon très manichéenne, qu’il y a les gentils d’un côté et les méchants de l’autre, dont ce fameux dieu de la guerre. Un jour, un pilote américain, Steve Trevor (Chris Pine), s’échoue au large des côtes de l’île, manquant de se noyer. Il est sauvé de justesse par Diana. Le fait de commencer leur rencontre de cette manière n’est pas complètement anodin et va permettre d’équilibrer leur relation par la suite. Steve informe les Amazones qu’une guerre fait rage dans le monde et tue des milliers d’innocents. Il s’agit de la Première Guerre mondiale. Touchée par son récit et convaincue qu’Arès est à l’origine du conflit, Diana va vouloir partir pour le combattre.

Contre l’avis de sa mère, Diana quitte l’île avec Steve. La manière dont est développée la relation entre les deux femmes est importante. Hippolyta sait qu’elle ne peut pas empêcher sa fille de partir et de son côté, Diana est convaincue que sa place n’est pas sur l’île et qu’il est de son devoir d’aller livrer bataille à ce dieu pour rétablir la paix. Elle se retrouve dans une embarcation avec Steve, direction Londres. À partir de ce moment jusqu’à leur arrivée au front, nous allons assister à une succession de scènes qui en disent beaucoup sur la condition féminine de l’époque. Dénoncer le sexisme dont étaient victimes les femmes au début du 20e siècle, offre suffisamment de recul au public pour qu’il se rende compte à quel point certaines situations étaient complètement insensées et ridicules. Si le récit s’était inscrit dans notre époque actuelle pour dénoncer les formes de sexisme dont sont toujours victimes les femmes, cela n’aurait pas eu le même impact, malheureusement. Cela ne nous empêche pas de rêver du jour où nous assisterons à un film d’action qui dénonce les formes de sexisme du 21e siècle.

Pour écrire un mot sur la façon dont a été pensé le personnage de Wonder Woman, il s’agit clairement d’une réussite. Gal Gadot incarne parfaitement la super-héroïne, qu’elle avait déjà interprété dans « Batman V Superman ». Il est important de noter que sa tenue de combat ne la transforme absolument pas en objet sexuel. Au contraire, on constate que les moments où il y a un risque qu’elle soit connotée sexuellement, ne sont jamais ceux où elle est habillée en Wonder Woman. Cela se passe, par exemple, à son arrivée à Londres alors qu’elle est vêtue d’un long manteau ou encore quand elle porte la tenue que Steve lui acheté. Il tente d’ailleurs de camoufler sa beauté sous des lunettes, ce à quoi Etta Candy, la secrétaire de Steve, réagit en lui disant que ça ne va pas la rendre moins belle. Quand les hommes voient Diana pour la première fois, ils n’hésitent pas à lui faire des commentaires sexistes. D’après notre point vue, le fait d’inclure ce genre de scènes n’a pas d’autre but que de dénoncer le machisme, au même titre que la scène où on lui interdit d’entrer dans une pièce parce qu’elle est une femme. De plus, face aux remarques d’un des amis de Steve, Diana le remet à sa place naturellement.

Notons aussi qu’elle est complètement à l’aise avec la sexualité. Et ça aussi c’est important, car très souvent, on nous fait croire au cinéma que les filles sont gênées d’en parler, contrairement aux hommes. Parmi les différentes scènes du film qui viennent attester du contraire, nous avons celle où Steve évoque la reproduction humaine. Diana lui dit tout de suite qu’elle sait de quoi il parle, qu’elle connait le sujet. Steve tente alors d’aller plus loin dans la conversation en suggérant qu’il y a autre chose que la reproduction, et elle lui répond ceci :

WW : "The pleasures of the flesh."
Steve : "Do you...know about that ?"
WW : "I’ve read all 12 volumes of Clio’s treatises on bodily pleasure."
Steve : "All 12, huh ? Did you bring any of those with you ?"
WW : "You would not enjoy them. ... They came to the conclusion that men are essential for procreation but when it comes to pleasure, unnecessary."

Certains ont critiqué la crédulité de la super-héroïne, notamment la scène où elle s’extasie devant un bébé. Quand on réfléchit un tout petit peu, sa naïveté est logique. Elle vient d’un monde complètement différent où elle a été la seule enfant à être élevée sur l’île. D’ailleurs, c’est cette même naïveté qui lui permet d’avoir un autre regard sur le monde. Ce qui aux yeux de Steve et de ses comparses paraît normal, ne l’est pas du tout pour elle. Sur son chemin vers le champ de bataille, elle veut aider les gens qu’elle croise, mais les autres lui disent de continuer à avancer. La scène du « No man’s land » est certainement la meilleure du film et c’est aussi à ce moment-là qu’on assiste à la naissance de Wonder Woman. Le dialogue entre Diana et Steve qui précède la scène a également toute son importance. Steve dit à Diana : « On ne pourra pas sauver tout le monde dans cette guerre, ce n’est pas ce qu’on est venu faire », et elle lui répond : « Non, mais c’est ce que moi je vais faire ». Libre à chaque spectateur d’interpréter ces phrases et de les replacer dans le contexte d’aujourd’hui.

D’autres se demandent aussi où sont les femmes dans ce film, en dehors des premières séquences bien évidemment. Cela peut tout à fait se justifier par rapport au cadre historique dans lequel s’inscrit le récit. De plus, il est important de souligner la bienveillance qui existe dans les rapports entre Diana et Etta Candy. Ce sont deux femmes complètement opposées. L’une vient d’un monde peuplé uniquement de femmes et l’autre est issue d’une société patriarcale. Il y a quelques années, on aurait très bien pu avoir une relation faite de rivalité et de jalousie. Alors qu’ici c’est tout l’inverse. Même lorsque Diana demande à Etta en quoi consiste le métier de secrétaire et qu’elle lui répond qu’elle fait tout ce que Steve lui demande, Diana réplique : « Chez moi on appelle cela de l’esclavage. » Face à cette réponse, la réaction d’Etta est de dire : « Je l’adore ! ». C’est exactement ce que nous avons besoin de voir à l’écran, et non pas une stupide rivalité entre deux femmes qui se battent pour les faveurs d’un homme. D’ailleurs pour écrire rapidement un mot sur la relation entre Diana et Steve, celle-ci semble exister uniquement pour remplir un cahier des charges. Ce n’est pas ça le plus important et c’est en cela que le film est également une réussite. D’ailleurs, de la scène d’amour entre les deux personnages, vous ne verrez qu’un baiser, le reste sera simplement suggéré.

Quant à la scène finale (attention spoil) qui inclut bien évidemment le combat entre Wonder Woman et Arès, certains critiques ont émis l’idée que Wonder Woman tirerait sa motivation d’agir de son amour pour Steve. Ce qui rendrait le personnage de la super-héroïne beaucoup moins intéressant. Sauf que nous ne sommes pas d’accord avec cette vision. Au cours de cette scène finale, Wonder Woman finit par perdre espoir en l’humanité. Depuis le début, elle est persuadée que c’était Arès qui empoisonnait l’esprit des hommes et les amenait à se battre les uns contre les autres. Elle finit donc par se rendre compte qu’elle avait tort. À partir de là, elle ne veut plus se battre. Elle se retrouve en position de faiblesse face à Arès et elle observe ce qu’il se passe autour d’elle. Elle voit les amis de Steve se prendre dans les bras, car ils se rendent compte qu’ils ont tout essayé et qu’il n’y a effectivement plus rien à faire. Et puis, elle constate que Steve aussi tente le tout pour le tout, jusqu’à se sacrifier et c’est en voyant tout cela qu’elle se transforme en guerrière surpuissante. Elle a vu que ces hommes ont essayé d’agir à leur échelle et qu’il y avait aussi de l’amour entre eux, et c’est ça qui lui redonne foi en l’humanité. Elle dit d’ailleurs à Arès qu’en effet les humains sont tels qu’il les décrit, mais qu’ils sont bien plus encore.

En conclusion, le film « Wonder Woman » évite les clichés auxquels nous sommes beaucoup trop habitués et va même jusqu’à en dénoncer certains. Nous avons une super-héroïne guidée par son devoir de combattre l’injustice et de protéger les innocents. Elle ne laisse personne décider à sa place, que ce soit sa mère au début du film ou Steve par la suite. Si elle veut faire quelque chose, elle le fait et elle n’a besoin de personne pour se battre. La relation entre Diana et Steve est également intéressante, puisqu’ils apprennent beaucoup l’un de l’autre. De son côté, il lui fait découvrir le monde dans lequel il vit, et pour sa part, elle lui apporte cette volonté d’agir même quand cela paraît impossible. Le film a aussi ses défauts (effets spéciaux parfois médiocres, ralentis à outrance, incohérences scénaristiques), mais ils ne nous empêchent aucunement d’apprécier cette adaptation. Les filles ont enfin trouvé un modèle, espérons juste qu’elles ne devront plus attendre douze ans avant d’avoir à nouveau un film avec une super-héroïne dans un rôle principal.

(Nathalie De Man)