Pegah Ferydoni, Shabnam Toloui, Arita Shahrzad, Orsolya Toth
… but not without talent.
Si vous en avez marre des films qui croulent sous les dollars, les bons sentiments, les super héros, les clichés et autres excès qui font du cinéma avant tout un produit qui se doit d’être rentable, tournez-vous vers un autre genre de 7ème art.
Un 7ème art dont l’aura est due à une intensité formelle et à la cohérence des rapports qui vont s’établir entre les aspects documentaire et fictionnel d’un récit.
1953. L’été en Iran. La veille d’un coup d’Etat orchestré notamment par la CIA pour aider Reza Pahlavi à asseoir son voeu de pouvoir autocratique . Quatre femmes - elles étaient cinq (*) dans le roman de Shahrnoush Parsipur dont « Women… » est une libre adaptation – vont se croiser.
Et converger vers un jardin-verger, espace métaphorique de deux indépendances menacées -celle d’un pays et celle de leurs destins personnels.
4 femmes, 4 situations différentes pourtant réunies sous la même bannière de violence et de contrainte. Qu’elle soit physique, morale ou religieuse.
De la femme que l’on enferme en attendant de lui trouver un mari à la femme violée, de la prostituée à l’épouse mal mariée, les besoins de réconfort et d’amitié sont les mêmes.
Et surtout le désir de savoir qu’il existe quelque part un endroit, refuge et oasis, où l’on peut être soi. N’être qu’à soi et à personne d’autre.
C’est avec une méticuleuse (parfois un peu trop scholastique) intelligence narrative - entrecroiser 4 histoires et un moment d’Histoire requiert une stratégie proche du défi - que Shirin Neshat va donner étoffe et matière à des actrices dont l’interprétation à la fois cristalline, grave et également talentueuse participe à l’équilibre d’un film nimbé de mélancolique poésie.
Equilibre mais aussi puissance secrète d’une composition qui, sous une apparence calme et fantomatique, pèse son once de dénonciation politique, sociale et religieuse.
Parfois proche de l’ exercice de style - Shirin Neshat est une artiste pluridisciplinaire (comme Valérie Mréjen, Chantal Akerman, Agnès Varda ...) qui s’est d’abord fait connaître comme photographe (**) et vidéaste (***) - « Women… » est un travail subtil et dérangeant sur des couleurs et des textures audacieusement opposées.
L’œil habitué à des contrastes chromatiques plus consensuels, l’oreille habituée à des sons moins surprenants que ceux mélangeant musique perse et modernité de Ryuichi Sakamoto tout comme l’esprit accoutumé à ne pas croire à la résurrection des morts devront s’habituer à ces transgressions visuelles, auditives et rationnelles pour capter ce que ce film a de singulier, de vibrant. D’éthérique.
L’effort en vaut la chandelle.
Même si la récompense n’en sera pas une happy end mais plutôt l’amère réflexion que « the only freedom from pain is to be free from the world ».
Shirin Neshrat vit exilée volontaire à New York depuis 1979.
En 1996 elle a été déclarée dans son pays natal, personna non grata, en raison du contenu politique de son œuvre. (mca)
(*) n’a pas été reprise par la réalisatrice l’idée d’un personnage souhaitant se transformer en truie. Pour éviter de porter l’estocade à l’orthodoxie sexuelle (et virginale) attendue de la femme musulmane ?
(**) ce qui donne à certaines images un côté "permanence rétinienne" qui persiste bien au-delà de la projection. Comme ces personnages voilés de Moshen Makhmalbaf dans "Kandahar"" continuent à nous hanter, longtemps après avoir été vus.
(***) la surprenante vidéo « Turbulent » est visible sur le site www.youtube.com