WOMEN TALKING

Les premières images du film « Women Talking » plongent le spectateur directement dans l’histoire dramatique, vécue, dans les années 2010, par les femmes et les filles d’une colonie mennonite (1) , violées par leurs maris, frères, parents et voisins après avoir été droguées par un spray utilisé pour calmer le bétail.
La réalisatrice, Sarah Polley, s’est inspirée du roman du même nom de 2018 de Miriam Toews, elle-même issue d’une communauté mennonite, qui relatait l‘histoire vraie de sept hommes d’une communauté mennonite de Bolivie condamnés à 25 ans de prison après avoir été reconnus coupables de viols perpétrés sur plus de 130 de leurs consœurs.
Revenons au film : les agresseurs ont été mis en prison dans une ville voisine et la plus part des hommes ont quitté la « colonie » pour aller les faire libérer. Les femmes sont donc seules pour deux jours. Le film débute dans la grange où se rassemblent les femmes pour décider ce qu’elles vont faire.
Et, dans cette grange , beignée de pénombre, ces femmes vont, tour à tour développer leurs arguments qui se résument à trois attitudes possibles contre l’agression : rester et ne rien faire, rester et se battre, partir. Ces femmes sont illettrées, seuls les garçons ayant le droit d’apprendre à lire et à écrire. Elles ont donc demandé à August, l’instituteur de la colonie et l’un des deux hommes restants, de venir faire le compte rendu de la réunion.
La mise en scène est puissante, sobre, allant d’une femme à l’autre, à l’écoute des arguments qu’elles développent : certaines estimant qu’il faut rester pour créer un nouvel ensemble de règles pour la colonie qui donnerait l’égalité aux femmes, d’autres que leur foi les conduit à pardonner, d’autres qu’il n’y a d’autre solution que de partir pour créer un ordre nouveau, assurer la sécurité de leurs enfants et avoir la liberté de penser.
Sarah Polley en est à son quatrième long métrage comme réalisatrice. Avec ce film, elle maintient un équilibre subtil entre l’horreur subie par ces femmes (les viols sont évoqués et pas montrés), la beauté et la pertinence des dialogues entre chaque femme.
Le film dépasse le cadre de cette histoire pour devenir universel, posant la question de la prise de conscience des femmes de l’oppression subie, de leur lutte pour leur libération face à la violence. La progression du film est portée par la très belle musique de la violoncelliste et compositrice islandaise Hildur Guðnadóttir
« Women talking » est un film fort, à voir absolument
(1) les Mennonites sont un groupe de chrétiens dont le mode de vie oscille entre ruralité et innovation, mettant l’accent sur la paix, le service aux autres et une vie centrée sur le Christ. Ils ne baptisent leurs membres qu’à l’âge adulte.

France Soubeyran