« Women are heroes ».
Et pourquoi pas « Women are heroines « ?
Quel est donc cet objet filmique mettant à la fois les femmes en visée de caméra tout en leur déniant par un qualificatif exclusivement masculin le droit à conserver leur féminité ?
C’est dans cette espace entre l’être et le genre que gît un vide qui met mal à l’aise (**) parce qu’il suscite une ambiguïté quant à la démarche d’un cinéaste dont le but avoué est de poser sur celles qui, éparpillées aux quatre coins de la planète - Brésil, Cambodge, Kenya, Inde - témoignent de leurs histoires douloureuses.
But avoué et certes réussi, ces portraits sont à la fois touchants, empreints d’une sagesse et d’une pudeur savamment dosées et interpellants - pourquoi toute cette souffrance ?
Mais but aussi voilé par quelque chose de moins innocent et de plus manipulateur.
Car en bout de pellicule, de qui JR se fait-il le chantre ? A qui rend-il hommage ?
Au courage de ces femmes pour faire face aux rudesses de leur environnement, à leur envie de vivre même lestées de secrets pénibles et souvent tus ou à la façon de les filmer avec ce sens bien particulier de l’esthétisme frontal et situationnel (les gens sont captés dans leur lieu de vie) que l’on appelle « l’artivisme » ?
C’est-à-dire cet art engageant mais pas engagé parce que dépourvu de tout discours politique.
Cet art qui, ici et à nos yeux, cesse d’être vite d’être un style pour devenir un artifice, une façon de prendre position moins pour cerner le sujet que pour se faire valoir.
Comme si le seul à se prendre pour un héros était le cinéaste lui-même ? (mca)
(*) Jeune photographe français connu pour son utilisation de la rue comme galerie d’art. Ainsi avant d’être un film "Women are heroes" fut une exposition de clichés grand format exposés sur les quais et ponts de l’Ile Saint-Louis à Paris en octobre 2009
(**) Tout comme on l’est devant le film d’Olivier Masset-Depasse dont on s’est toujours demandé pourquoi le titre est masculin "Illegal" alors que son personnage principal est une femme ?