Adaptation d’un livre
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WAKEFIELD

Robin Swicord

Bryan Cranston, Jennifer Garner

108 min.
20 septembre 2017
WAKEFIELD

Howard Wakefield est le genre d’homme qui endosse le costume-cravate comme une seconde peau. Homme d’affaire, père d’une famille modèle avec deux filles et marié à une femme belle et sexy, ce cadre d’une perfection écœurante, va être mis à mal d’entrée de jeu.

Cela commence par une bête panne des transports en commun, qui enclenche une distorsion dans ce qui était la fin d’une journée banale d’Howard Wakefield. Énervé, l’homme rentre tard dans sa banlieue aisée de New York. Arrivé devant sa maison, il surprend un raton laveur en train de faire ses poubelles. Il tente de le chasser, mais l’animal s’enfuit dans le garage et Howard décide de le suivre. Dans le grenier de ce garage indépendant de la maison, Howard se poste devant la fenêtre et se rend compte qu’il peut observer sa famille depuis cette cachette. Il appréhende son retour à la maison, car il s’est disputé avec sa femme, et décide de le post-poser. Un incident en amenant un autre, il s’endort là, et, lorsqu’il se réveille, n’ose plus du tout affronter la situation. Howard décide de ne plus rentrer à la maison du tout, et mieux, de disparaître sans laisser de traces.

Adaptation à la fois libre et fidèle d’une nouvelle de E.L. Doctorow, le réalisateur Robin Swicord a trouvé dans cette étrange histoire une possible méditation sur la question du mariage et de l’identité. Malgré certaines descriptions très bien amenées, où l’on perçoit les malaises liés à une vie soi-disant réussie, mais où le ressentiment et la jalousie ont creusé leur trou, « Wakefield » ne semble pas tenir une promesse qui aurait pu aller beaucoup plus loin. Nous avons quand même affaire à un homme qui se rend compte qu’il n’a pas juste quitté sa famille, mais qui s’est quitté lui-même, et cette profonde remise en question, n’est pas pleinement rendue.

L’histoire du protagoniste est tellement délirante, que l’on aurait aimé être emporté dans cette espèce de folie transcendantale, mais, au lieu de cela, on dirait que le réalisateur n’a pas osé prendre trop de risques et a préféré rester dans un registre de film « normal » (comprenez « commercial » ou « tout public »). De fait, le film fait des allers-retours entre des moments intéressants et d’autres plus superficiels.

Par exemple, l’utilisation des flash-backs qui illustrent les pensées de Howard sont autant de coupures dans ce qui aurait pu être une méditation. Il aurait été beaucoup plus subtil et prenant d’enfermer le spectateur dans le huis-clos dans lequel Howard s’est expatrié. Là, on s’en détache, on le perd, et cette étrange expérience que l’homme s’inflige telle une punition, perd de son poids.

Mis à part une certaine déception, donc, le film reste intéressant et il y a de quoi débattre. Ainsi, il y a l’omniscience de cet homme qui observe tout, placé tel un Dieu inaccessible et qui a décidé du sort de ses proches, mais qui perd le contrôle et s’avère être en train de s’observer lui-même. Enfin, l’entrée dans la matière se fait avec un élément sauvage, le raton laveur, ce rappel à la nature et cet homme hyper civilisé qui retourne à une sorte d’état naturel, qui devient un sauvage urbain afin de se retrouver lui-même.

Alors, malgré tout, je conseille de voir le film, ou de lire la nouvelle, car l’histoire en vaut la peine.

Luz