Drame judiciaire
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UNE INTIME CONVICTION

Antoine Raimbault

Marina Foïs, Olivier Gourmet, Laurent Lucas

110 min.
6 février 2019
UNE INTIME CONVICTION

C’est à la fois avec sobriété et empathie que le jeune réalisateur Antoine Raimbault revient sur le procès en appel de l’énigmatique Jacques Vigiuer, une affaire judiciaire qui avait défrayé la chronique dès 2000 et fut l’objet d’une large couverture médiatique durant plus de dix ans.

Pour rappel, les faits sont les suivants : Suzanne Blanch, épouse de Jacques Viguier disparaît le 27 février 2000. À la suite des déclarations d’Olivier Durandet, qui se présente comme l’amant de Suzanne, des soupçons conduisent la police à mettre en cause son mari. Un premier procès s’ouvre en 2009 et conduit à l’acquittement du suspect. Cinq jours plus tard après la décision du tribunal, le parquet fait appel, ce qui donnera lieu en 2010 à un second procès, lequel fait l’objet du film.

Porté par le très efficace duo que forment Marina Foïs en citoyenne éprise de justice et Olivier Gourmet en ténor du barreau, « Une intime conviction » se propose de réinterroger le réel de manière distanciée, de raconter un procès singulier tout en tâchant d’immerger le spectateur dans les rouages complexes d’une cour d’assise et d’en saisir la puissance dramatique tant sur le fond de sa mécanique qu’à travers sa théâtralité et son décorum.

S’agissant des faits, « nous n’avons rien eu à inventer », précise Antoine Raimbault. « Le film respecte scrupuleusement ce qui s’est dit aux audiences et dans les écoutes téléphoniques ». L’on soulignera d’ailleurs à cet égard que le cinéaste a eu la délicate élégance d’épargner aux spectateurs les détails sordides ou calomnieux relatifs aux proches du dossier, lesquels ont fait les choux gras d’une presse tantôt tapageuse tantôt obscène, ainsi que l’imbroglio familial et sentimental de l’affaire, qui dépasserait presque la fiction.

Par contre, le personnage qu’incarne la rage au ventre Marina Foïs est entièrement fictif, et c’est sans doute de cette liberté scénaristique que le film tire toute sa vigueur émotionnelle et sa tension dramatique. Nourri des témoignages de celle qui fut la compagne de Jacques Viguier après la disparition de son épouse, et construit à partir de la propre expérience de réalisateur, qui a assisté aux deux procès, s’est livré, tel un bénédictin, à l’ensemble des écoutes téléphoniques à laquelle le procès en appel fait référence, et qui s’est même fait l’émissaire de la famille auprès de Maître Dupond-Moretti, le personnage de Nora constitue le pivot d’identification clé pour le spectateur profane. Celle-ci parvient en effet à nous entraîner dans sa folle obsession au fil de sa contre-enquête, et à rendre passionnante une histoire dont on connaît pourtant l’issue, la tempérance d’Olivier Gourmet apportant avec une prestance magistrale le contrepoids nécessaire à tout emballement passionné.

C’est sans doute ce savant équilibre entre émotion et raison, qui fait qu’« Une intime conviction » ne se présente guère comme un film à thèse mais qu’il ouvre la voie à la réflexion quant à notre conception souvent sacralisée de la justice ainsi que de tous les concepts qui lui sont moralement associés. Application et respect des lois, équité, vérité et justice s’accordent-elles toujours de concert ? Le doute est toujours permis…

Christie Huysmans