Actuellement à l’affiche
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

UN TRIOMPHE

Emmanuel Courcol

Kad Merad, David Ayala, Lamine Cissokho, Sofian Khammes, Pierre Lottin, Marina Hands, Laurent Stocker

1er septembre 2021
UN TRIOMPHE

Un acteur en galère accepte pour boucler ses fins de mois d’animer un atelier théâtre en prison. Surpris par les talents de comédien des détenus, il se met en tête de monter avec eux une pièce sur la scène d’un vrai théâtre. Commence alors une formidable aventure humaine.

La troupe comme socle

Patrick, Alex, Kamel, et Dylan sont des « taulards », des « criminels », des « prisonniers », des « détenus », des « demandes de libération en attente », des « dossiers de grand banditisme », des « coupables d’homicide ». Ils sont en errance conditionnée, en dérive cloitrée, en proie à un temps qui ne cesse de passer mais semble s’être figé. Ils sont entre quatre murs, ceux de leurs cellules, du couloir menant à la cour, de la cour elle-même, de leur propre mental. Mais dans une pièce, une seule, les murs s’effondrent. Ils sont pourtant bien là, mais dans cette pièce, Patrick, Alex, Kamel, et Dylan, ne sont plus des taulards. Ils sont acteurs.

Un Triomphe a beau avoir une narration linéaire, elle est nécessaire pour suivre la véritable éclosion de ses personnages. Parfois gentillet, le film a le mérite de mettre à l’avant-scène des interprètes profond qui offrent un jeu profond à ces hommes qui n’ont qu’une envie : sortir. Faillibles, courageux, solidaires, impulsifs : on traverse leurs états d’âmes comme leur public assistera à la pièce. D’abord curieux-se, profondément attendri-e, pour terminer totalement investi-e.

Inspiré d’une histoire vraie

En 1980, Jan Jönson, metteur en scène suédois, a une idée qui (fort à propos) pourrait sembler absurde : monter En Attendant Godot, figure de proue de l’oeuvre de Samuel Beckett, avec une troupe... de prisonniers. Et voilà, il est là l’ingrédient secret d’Un Triomphe : sa réalité, et non son réalisme.

Si l’écriture du personnage d’Etienne est un tant soit peu bancale, Kad Merad offre une interprétation formidable d’un comédien sur le déclin, oscillant entre son altruisme et sa propre soif de réussite. Empoignant ses comédiens, Etienne avance contre vents et marées (comprendre comportement infantiles et administration permanencière) pour l’atteindre lui aussi ce sommet : les planches.

Et heureusement pour lui, sa troupe dispose d’un moteur que les plus grands acteurs rêveraient de pouvoir se façonner : une résilience forgée dans l’attente carcérale, les parloirs annulés, les visites trop courtes. Face à ça, même Samuel Beckett ne paraît pas trop absurde. Face à ça, les déconvenues sont autrement plus violentes.

Un Triomphe n’en est peut-être pas un, mais il l’offre à ces protagonistes, chacun d’eux aussi méritant que l’autre.

(Dounia Haegel)