Cécile de France, Ludivine Sagnier, Julie Depardieu, Patrick Bruel, Sam Garbaski
Pour la deuxième fois - et une deuxième fois aussi réussie que la première – c’est du haut d’un tremplin de bassin de natation que Claude Miller choisit d’éprouver la force et la fragilité de ses héroïnes.
De cette position expérimentée par la très jeune Charlotte Gainsbourg dans "L’effrontée" pour donner vie à la vulnérabilité de l’adolescence, Claude Miller, dans "Un secret", va exploiter un autre angle de vue pour donner à Cécile de France une séduction et une corporalité qui rendent à la notion de coup de foudre son sens de déflagration immédiate et vraisemblablement déjà tragique.
Beauté et émoi d’un côté et de l’autre fragilité d’un jeune garçon, François, encombré par sa maladresse physique face à une mère, championne de plongeon et à un père sportif dans le regard duquel il ne lit que la déception et honte de l’avoir engendré.
Pour échapper à ce sentiment d’être incomplet, il va s’inventer, non pas un ami comme Kellyanne ou Donnie Darko (*) mais un frère qui sera son double inversé. Beau, musclé, excellent gymnaste et n’ayant jamais froid aux yeux.
Peu à peu, François va apprendre les souvenirs d’avant sa naissance, gardés cachés par ses parents. Douloureuses réminiscences qui remontent aux horreurs de la traque aux Juifs menée dans une France pétainiste.
La mise en place d’« Un secret » ressemble au processus de développement des photos argentiques. Le dévoilement de ce qui est arrivé se fait par étapes délicates, par révélation grâce aux noir et blanc du présent des couleurs du passé et dans un lieu clos. Le cabinet de travail de Louise, l’amie de la famille à laquelle Julie Depardieu confère une attachante tendresse bourrue.
Le développement temporel du récit permet aux spectateurs d’accompagner les personnages dans l’ampleur romanesque de leur drame. D’être bouleversés avec Patrick Bruel devant la beauté allurée (qui fait parfois penser aux personnages de Lolita de Lempicka) de Cécile de France qu’une caméra n’a jamais autant magnifiée. D’être touchés par la tristesse qui envahit Ludivine Sagnier et anéantis par la force destructrice qu’elle nourrit. Révélant qu’en chaque mère aimante peut se nicher une inattendue Médée.
« Un secret » est bien plus qu’un film (em)poignant. Il est un film qui regorge de vécu. Il parle d’adaptation, de résilience, de fatalité, de culpabilité, des origines et de l’appartenance identitaire avec une justesse qui tient à pudique distance le pathos et les superfétatoires explications.
Et si l’on pleure c’est d’émotion devant la capacité qu’ont les humains de souffrir et de faire souffrir leurs proches.
« Un secret » (**) est empathiquement adapté d’un livre de Philippe Grimbert. La version papier mérite autant que la pelliculaire l’intérêt de tous ceux et celles qui savent que les mystères des cœurs humains malaxés par leur propre mémoire et celles de l’Histoire sont souvent l’objet d’infinies méditations et beaucoup plus rarement de partages (***). (m.c.a)
(*) respectivement "Opal dream" de Peter Cattaneo et "Donnie Darko" de Richard Kelly.
(**) édité en Livre de Poche.
(***) le magazine "Le Point" consacre un intéressant article à ce sujet dans son numéro du 4 octobre 2007
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