Adaptation d’un livre
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THE MERCHANT OF VENISE

Michale Radford (GB/Italie/Luxembourg 2004 - distributeur KFD)

Al Pacino, Jeremy Irons, Joseph Fiennes, Lynn Collins

131 min.
3 mai 2006
THE MERCHANT OF VENISE

Est-ce parce qu’il a porté sur Shakespeare un regard attentif et méditatif dans son « Looking for Richard » qu’Al Pacino est si convaincant dans le rôle de Shylock, ce juif usurier qui suscite autant de compassion que de réprobation ?

L’époque élisabéthaine (la nôtre est-elle foncièrement différente ?) éprouvait une solide aversion pour les Juifs. Shakespeare reprend à son compte cette haine symbolisée par le fait que le prêt qui sera consenti par Shylock à l’armateur Antonio l’est à la condition que, si celui-ci se trouve dans l’incapacité de rembourser sa dette, il lui en coûtera une livre de chair humaine.

Le talent de Pacino est de complexifier la répulsion que son personnage suscite, en la neutralisant par des sentiments moins négatifs comme son amour pour sa fille ou sa souffrance d’être tenu à l’écart de la société en raison de sa judaïté.
Il éclate de talent dans ce monologue - que n’avait sûrement pas en tête Veit Harlan dans « Le Juif Süss » - « Je suis un Juif, mais un Juif n’a-t-il pas des yeux, des mains, des organes, des proportions, des sens, des émotions, des passions ? »

Pacino, encore une fois, fait montre de cet art tellement difficile de rendre crédible une ambivalence. Comme lorsqu’il était « The Godfather » ou Sonny dans « Dog Day Afternoon », il arrive avec un minimum d’effets (résultats vraisemblablement d’un maximum de travail en amont) à mettre l’accent sur la perversion d’un personnage et en même temps sur la souffrance qui l’habite.

Il a face à lui un Jeremy Irons, dont, en raison de l’habitude qu’il a d’incarner à l’écran des personnages littéraires (« Kafka », « Swann in Love », le Humbert Humbert de « Lolita », ), on attendait beaucoup et qui se révèle un Antonio plutôt mièvre et sacrifiant, d’une façon inutilement appuyée, à la mode d’entourer les relations masculines d’un climat d’homosexualité.

Les personnages féminins sont intéressants surtout celui de Portia, la jeune fille qui ne pourra, sur instruction testamentaire de son père, prendre pour époux que celui qui aura découvert, de trois coffres, celui qui contient son portrait.

Cette héroïne est loin de se douter que la volonté qui lui a été imposé par son ascendant fera
l’objet d’une étude minutieuse de Sigmund Freud qui aime explorer les énigmes proposées par l’homme de Stradford (in « L’inquiétante étrangeté et autres essais » - Folio p. 61)

La réalisation de Radford, qu’on a connu plus lyrique dans « Il Postino » ou audacieux dans
« 1984 » manque peut-être de force pour rendre à ce drame toute la beauté de sa construction
et la violence de son propos. Mais ne jugeons pas trop aisément, Shakespeare lui-même recommandait la « clémence qui tombe du ciel, comme douce pluie, sur ce qu’elle domine ». (m .c.a)