Coup de coeur mensuel
4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s)

Coup de coeurTHE KING’S SPEECH

Tom Hooper (GB 2010)

Helena Bonham Carter, Colin Firth, Geoffrey Rush, Guy Pearce, Timothy Spall

118 min.
23 février 2011
THE KING'S SPEECH

Tout le monde n’a pas un destin.

Tout le monde n’a pas rendez-vous avec l’Histoire.

La plupart d’entre nous se contentent de vivre (ou de survivre) en fonction de ses capacités (défauts et qualités mêlés) et de ses peurs.

C’est sans doute la raison pour laquelle ce film de Tom Hooper (*) nous touche. Parce qu’ il nous rappelle que noble ou roturier, riche ou pauvre, connu ou inconnu, chacun se trouve un jour confronté à son "handicap". Obligé d’affronter ses propres difficultés et limites.

A défaut de ce faire, l’existence ne sera qu’une promesse d’incomplétude ou pire encore se transformera en fardeau.

Albert Frederick Arthur George Windsor n’est pas Mr. Nobody. Fils puîné du roi George V d’Angleterre, il est amené à prendre la succession de son père lorsque son frère Edward VIII choisit d’abdiquer pour épouser Wallis Simpson.

Pourra-t-il surmonter ce bégaiement qui date de l’enfance et le fait passer aux yeux de certains comme inadapte à la fonction royale ?

 

Saura-t-il, en ces temps troublés de la fin des années 1930, convaincre son peuple de déclarer la guerre à Hitler et d’en soutenir les efforts durant des années ?

L’enjeu est grave et urgent.

 

La face du Monde eut-elle été la même si « Berthie » pour ses intimes n’avait pas rencontré un orthophoniste de génie capable, par une méthode de soins aussi personnelle qu’originale, de l’aider à faire face.

A triplement faire face.

 

A lui-même d’abord, à sa mission héréditaire ensuite et aux provocations nazies enfin.

L’atout premier de ce film magnifique, le pilier sur lequel il se fonde, avec simplicité et efficacité, est d’avoir trouvé dans les plis d’une histoire individuelle de quoi alimenter l’analyse d’une Histoire collective.

« The King’s speech » ne se contente pas d’être un moment dans la vie d’un roi ou une métaphore du courage qui sera demandée aux Britanniques durant le deuxième conflit mondial.

Sa richesse et son universalité viennent de ses tensions narratives entre des oppositions et des contraires qui s’équilibrent.

A la passion physique et névrotique d’Edward VIII pour Madame Simpson répond l’affection indéfectible et réconfortante de la future Queen Mum pour son époux.

La tradition et l’étiquette de Buckingham sont là pour souligner le côté révolutionnaire des méthodes mises au point par un logopède (australien de surcroît ...) qui a fait de la confiance en soi la pierre angulaire d’un traitement qui déverrouille autant les barrières sociales que celles de l’inconscient.

A la voix hésitante et hoquetante du roi correspond celle féroce et vorace d’un Führer à l’éloquence dangereusement persuasive.

La devise de la monarchie britannique « never complain never explain » est destinée à s’effacer devant la plongée verbale dans une âme et un esprit qui acceptent enfin de reconnaître qu’ils sont en souffrance.

Drôle et émouvant, bien écrit et remarquablement joué par un trio d’acteurs (**) au plus près de leur personnages ( humain et fragile pour Colin Firth, empathique et cabot pour Geoffrey Rush, solidaire et aimante pour une Helena Carter bien loin de tout excès timburtonien, « The king’s… » est un film épatant.

 

Passionnant aussi par son approche (presque un apprivoisement) du média radiophonique à l’époque en plein développement, mis en scène un sens de la théâtralité élégante et souple, il est comme on le dirait d’un mets : royal.

Ce ne sont pas le recours à une systématisation des plans frontaux et des contreplongées ou le relevé de quelques erreurs par l’historien François Kersaudy dans « Le figaro » de ce 16 janvier 2011 qui arriveront à entamer notre enthousiasme pour ce film formidable.

Qui fait prendre conscience, à l’écoute du discours qui le clôt, que des notions tels que le surpassement de soi et l’héroïsme au quotidien nécessaire pour supporter les jours difficiles qui s’annoncent ne sont pas des notions obsolètes.

Qu’elles arrivent toujours à faire vibrer. Même à notre époque de consensus mou et lâche.

George VI avait du mal à prononcer les W.

Nous n’avons aucune hésitation à dire de « The king’s… » qu’il est un W onderful film. (mca)

(*) auquel Helen Mirren (« The queen » de Stephen Frears) a demandé de la diriger dans le somptueux biopic télévisée « Elisabeth I »
(**) sans oublier l’excellence de tous les seconds (Timothy Spall en Churchill) et même troisièmes rôles (Derek Jacobi en archevêque de Canterbury) qui donne au cinéma anglais la réputation de détenir, au m2, le nombre de comédiens les plus talentueux