Michael Moshonov, Limor Goldstein, Yonathan Alster
Quelle belle idée œcuménique de sortir le jour d’une fête religieuse chrétienne, un film qui évoque, avec tendresse et distance, les traditions juives.
Jérusalem, de nos jours. Un père est en voiture avec ses deux fils, Menachem et David. Il a un (volontaire ?) accident d’auto. Il demande à son aîné d’aller chercher de l’aide. Quand celui-ci revient, accompagné de la police, le père a disparu.
En fuite comme Monsieur Monde dans le subtil roman de Simenon adapté pour le petit écran par Claude Goretta, évaporé comme dans l’énigmatique « Picnic at Hanging Rock » de Peter Weir, ou enlevé par de mystérieux ravisseurs ? Hypothèse dont l’invraisemblance n’est pas à exclure puisque nous sommes dans la ville où toutes les contingences peuvent accompagner le quotidien le plus banal.
Aucune réponse ne sera apportée au spectateur. Le propos du réalisateur n’étant pas de s’intéresser à la disparition in se mais de s’attacher à ses effets sur une famille. Dont le désarroi va frapper chacun des membres d’une façon intime et personnelle. Et plus particulièrement Menachem qui a, sur ses jeunes épaules, le poids quasi métaphysique d’une impuissance à avoir pu donner forme à la dernière requête de son père qui lui demandait du secours.
L’intelligence du réalisateur est, à-travers une histoire importante pour ceux qui la vivent mais événementielle pour ceux qui en sont spectateurs, de nous proposer un voyage riche et complexe dans un pays qui vit au rythme de coutumes et de rituels dont l’ancrage biblique désarçonne et interpelle.
A la foi affichée et psalmodiée (Tehilim, en hébreu, veut dire psaumes) de la branche paternelle répond la laïcité secrète mais déterminée de la mère - contrepoint autour duquel s’articulent les oppositions qui sous-tendent une mésentente familiale, tout comme elles filigranent une société clivée entre orthodoxie et libre pensée. Ecartelèment symboliquement représenté par le fait de porter ou pas, selon les circonstances, la kippa.
Par la grâce d’une mise en scène limpide et d’acteurs au jeu intériorisé, Raphaël Nadjari empoigne avec une humaine douceur le périlleux travail de confrontation à ce qui est plus déconcertant que la mort : le vide laissé par celui dont on ignore s’il est encore en vie.
Se reconstruire en dehors de la présence de l’absent demande du temps et de délicats moments de face à face avec soi - ce que rendent très intuitivement les ellipses du scénario et un usage opportun du hors-champ.
Se laisser imprégner par ce film pudique demande une attention calme et minutieuse. Attention à laquelle le cinéma actuel ne nous habitue plus. Et c’est dommage, parce que sans ce regard concentré on risque de passer à côté de l’essence de « Tehilim » qui, comme les textes du Roi David sur la rédemption auquel il fait explicitement référence, propose une réflexion sur notre besoin de trouver un lieu où se consoler, où s’arranger avec le hasard qui plane sur toute existence. (m.c.a)