Thriller politique
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SYRIANA

Stephan Gaghan (USA 2005 - distributeur : Warner Bros) (inspiré par le livre de Robert Baer "Or noir et Maison Blanche")

George Clooney, Matt Damon, Kayvan Novak, Amr Waked

126 min.
1er mars 2006
SYRIANA

Par son tempo syncopé qui rappelle le « Traffic » de Soderbergh dont Gaghan était le scénariste, « Syriana » ressemble à une partition de modern jazz qui ne prend de l’éclat et du sens qu’à la fin de son exécution.

Quelles relations existe-t-il entre un jeune émir du Golfe désireux de s’affranchir de la tutelle du « grand frère » américain, un conseiller américain en questions énergétiques, un vieux baroudeur de la CIA et un Pakistanais qui décide de se convertir au terrorisme islamique ?

Apparemment aucune et pourtant l’enjeu du film sera de tisser des connections entre tous ces personnages et le monde des « think tanks » (groupes d’experts) pétroliers de Washington bien décidés à reconfigurer un Moyen Orient selon leurs propres intérêts.

Intérêts qui ne sont pas que financiers mais aussi politiques : exporter, hors frontières, les concepts démocratiques américains.

Ne cherchez pas Syriana sur une carte géographique. Aucun pays ne porte ce nom.
Tout comme était imaginaire l’île de « L’utopie » de Thomas Moore, Syriana n’est que la projection d’une idéologie impérialiste que Gaghan décrypte dans ses plus sombres recoins : le commerce triangulaire qui existe depuis quelques décennies entre les élites financières et politiques américaines, la famille royale saoudienne et les intégristes musulmans.

Dans ce monde rompu à la corruption (« c’est elle qui permet de gagner »), crispé par la montée en puissance de la Chine, phagocyté par de puissants lobbies, qu’est-il encore permis d’espérer ?

Peu de choses en fait si chaque pays continue à regarder la marche de l’Histoire à l’aune de son intérêt exclusif. Si l’on veut faire face aux défis d’une mondialisation aussi généralisée que rapide, il est grand temps de regarder le monde avec plus d’altérité.

Comme Spielberg avec « Munich », Gaghan a réalisé un film engagé qui essaye de casser l’unilatéralité d’une position.
Et même si sa démarche aurait gagné à être moins simplificatrice et tendancieuse (le réalisateur se reconnaît volontiers de « gauche »), elle mérite d’être saluée pour avoir jeté un pavé dans la mare du confort de nos prêts-à-penser. (m.c.a)