Helena Bonham Carter, Johnny Depp, Alan Rickman, Sacha Baron Cohen
Du convexe au concave. Du lyrisme à l’énigmatique. L’œuvre de Tim Burton est celle d’un verrier. Elle laisse passer des images et de la lumière.
Des images toujours aussi expressives qui collent le tragique et le trash, supportant une intrigue excessive, inspirée d’une œuvre musicale de Stephen Sondheim tiraillée entre réalisme et pastiche.
Mais une lumière qui s’assombrit et s’assèche. Au point de revêtir les apparences glacées, rigides d’un linceul taché de sang. Rappelant la morbidité de son film précédent « Corpse bride » qui scellait les noces d’un vivant et d’une morte.
Barbier dans un Londres que n’aurait pas désavoué le créateur d’Oliver Twist, Benjamin Barker est injustement condamné - "Monte christo is in the air" - à la prison par un magistrat qui convoite son épouse. Evadé, il revient quinze ans plus tard dans la capitale anglaise sous un patronyme qui est à lui seul tout un programme : Sweeney Todd - Todd comme la mort qu’il donnera à ses clients en les égorgeant.
Comme si cette exploitation gorthique (un mélange de gore et de gothique) ne suffisait pas, il s’acoquine avec sa logeuse - une Helena Bonham Carter dont l’enlaidissement laisse perplexe : de quelle faute Tim Burton (son époux à la ville) veut-il prendre revanche ? - pour faire des cadavres la farce (*) des tourtes qu’elle prépare.
On n’est pas loin du « Delicatessen » de Jean-Pierre Jeunet par l’entrain des festins proposés par le couple diabolique. On est loin de l’élégante perversion du « The cook the thief his wife & her lover » de Peter Greeaway.
Mais on est proche d’un ennui total que rien ne vient rédimer.
Ni Johnny Depp, aussi grotesque dans ses entournures vampiriques à la Kiss (**) qu’il avait été génial dans les pulls angoras de « Ed Wood » du même Burton,
ni l’idée de faire chanter les lyrics de Sondheim par des acteurs moins convaincants, parce que confits de sérieux, que les comédiens de Resnais dans "On connaît la chanson".
ni l’intrigue déroutante qui ra(tis)se large : cannibalisme, serial killers (Depp retrouve l’ambiance trouble du « From Hell » d’Albert et Allen Hughes), méchant juge, pupille naïve, aveuglement de l’amour - Todd ne reconnaîtra pas en la seule femme qu’il égorge son épouse ( !).
Lent, long, terne « Sweeney… » flanque le bourdon. Et donne la nostalgie du temps où les rasoirs étaient les ciseaux.
Ces ciseaux qui, dans « Edward’s scissorshands » sculptaient la beauté avec la même vélocité que les rasoirs de Fleet Street dessinent la désolation.
Pour résister au cafard du cinéphile devant l’assoupissement d’un talent reste le rêve.
Qu’aurait fait Ken Russel de l’opéra- « bouffe » de Sondheim ?
Un « Tommy » II ?
Une critique n’ayant pas d’autre valeur que de représenter l’avis de qui l’écrit, il est toujours intéressant d’en lire plusieurs. Notamment celle du magazine "Positif" de ce mois de février 2008 qui défend ardemment ce que nous apprécions mollement. (m.c.a)
(*) C’est peut-être là le mot clef de cette réalisation qui exploite sans ménagement un grand guignol qui ennuie continûment.
(**) Groupe de rock anglais célèbre pour ses maquillages outranciers rappelant ceux des grands acteurs du muet (Lon Chaney, Boris Karloff)