Drame sentimental
3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

STELLET LICHT

Carlos Reygadas (Mexique 2007 - distributeur : Benelux Film Distributors)

Cornelio Wall Fehr, Miriam Toews, Maria Pankratz

137 min.
5 décembre 2007
STELLET LICHT

Si la lenteur et l’absence apparente d’intrigue sont, dans l’idée que vous avez du cinéma, synonymes d’ennui, ce film n’est pas pour vous. Comme il n’a pas été du goût de la plupart des (re)censeurs de La Croisette en ce mois de mai 2007.

Si la lenteur et l’ombre portée d’une histoire réduite à son essentiel vous intriguent, ce film vous passionnera. Comme il a envoûté le jury du dernier festival de Cannes qui lui a attribué son Prix.

Johan tombe amoureux d’une autre femme que la sienne. A partir de cette trame simplissime et usée par tant de regards cinématographiques, Reygadas va visuellement s’envoler et proposer, tel l’Albatros de Baudelaire qui "... lorsqu’il n’est pas exilé sur le sol au milieu des huées… est semblable au prince des nuées » une réflexion belle et calme sur l’amour que se porte un homme et deux femmes.

Le magnétisme de « Stellet… » réside dans la fait qu’il convoque le meilleur des cinéastes (Ozu, Dreyer, Bergman, Rossellini) qui ont su ravir à l’immobilisme son âme et sa puissance : celles de la contemplation.

Contemplation qui, lorsqu’elle s’adresse à la nature, - et pour reprendre encore une allusion à Baudelaire avec lequel le cinéaste a plus d’un point commun dont une ivresse pour le trivial et le sacré - est un « Hymne à la beauté »

Contemplation qui, lorsqu’elle scrute les écarts créés entre la foi et les sentiments, est le poignant reflet de la lutte d’un homme assailli par un affect dont il se croyait, en raison même de sa rigueur, protégé.

La force du propos de Reygadas est intimement liée à une esthétique qui réserve au hors-champ et aux silences de ses personnages une place de choix et de poids.

Il est un cinéaste qui aime, au risque de choquer, l’authenticité. Dans « Japon » c’est la copulation d’un homme encore jeune avec une femme vieille, dans « Batalla en el cielo » c’est une ample fellation.

Dans « Stellet… » c’est une quête mystique portée par des acteurs dont la plupart appartiennent à la petite communauté agricole des Mennonites qui vivent au Nord du Mexique et continuent à privilégier le mode de vie et la langue (le plautdietsch) de leurs lointains ancêtres hollandais.

Reygadas présente les sentiments intenses de son trio, désir, culpabilité, chagrin et remords, comme comme s’ils étaient les axes d’une crucifixion que ni les gestes du quotidien ni le respect du rituel ni la confession de la faute n’ont la capacité d’apaiser.

Par son énigmatique fin qui associe pardon et résurrection, il fait de « Stellet.. » une profession de
foi. (*)

Une foi en la vie qui, même si elle se termine individuellement, ne s’arrête pas. Comme le temps
symbolisé par le balancier d’une horloge qu’un des personnages de la communauté réactive.

Comme la nature qui sait que le jour et la nuit s’enchâssent. Ce que décrivent les magnifiques
cadrages en plans fixes de début et de fin de ce film à l’éblouissante lumière.

Une lumière dont la limpidité vous habite bien au-delà de la projection. (m.c.a)

(*) Dans le magazine « Le nouvel observateur » du 29 novembre 2007 Reygadas avoue à François Forestier avoir « … essayé, pendant quinze ans, de perdre la foi. Mais je n’ai pas pu, j’ai échoué. »