Nauséeux

SLEEPING BEAUTY

Julia Leigh (Australie 2011)

Emily Browning, Michael Dorman, Mirrah Foulkes

104 min.
18 janvier 2012
SLEEPING BEAUTY

Un film qui fâche. Me fâche.

Et fâchera sans doute les filles et petite filles de celles qui se sont battues - Simone de Beauvoir, Kate Millet, Germaine Greer, Erica Yong …- pour en arriver là.

A une romancière australienne à l’inspiration plutôt sombre (*) dont « Sleeping beauty » est le premier film et à son portrait d’une enfant perdue qui la nuit se livre à de vieux messieurs appendus à leur pulsion scopique.

Cette pulsion qui entraîne le spectateur, s’il accepte sans coup férir de s’abandonner à sa position de voyeur, dans une passivité aussi malsaine que tragique à légitimer la transformation du corps d’une jeune fille en blafard morceau de viande.

Il n’y a pas de vie dans ces regard, il n’y a que de la morbidité, de la violation d’intimité, de la perversion méprisante.

Et une forme de lâcheté de la part de celle qui accepte, pour des raisons présentées comme de survie matérielle, de devenir par l’effet d’ un somnifère la plongeant dans un sommeil sans mémoire l’objet d’un rituel mené par des hommes qui n’ont pas le courage d’affronter leur impuissance.

Ces hommes qui n’ont qu’une consigne à respecter dans cette forme inhabituelle de prostitution : "no penetration" - une "lubie" autorisée par leur pouvoir économique et qui compense une sexualité vacillante par la mise en place d’une nouvelle forme d’exploitation (d’esclavagisme ?) du corps de l’autre.

La libido vacillante de messieurs aux physiques abîmés par le temps qui retrouve un semblant de vie grâce aux phéromones de demoiselles n’est pas un sujet neuf.

Des grands récits bibliques - Suzanne et les vieillards, Abraham et Abigaël - au roman hypnotique de Yanusari Kawabata « Les belles endormies » en passant par le 7ème art (**), le thème a alimenté bon nombres de fantasmes.

Mais rarement avec cette glaciation déterminée, ce maniérisme guindé, cet aspect clinique qui dénaturent et éviscèrent la vitalité de la jeunesse pour en faire le socle d’une réalité brutale, vorace, effrayante.

Et, le mot étant pesé à sa juste aulne, gerbante.

Ici « La belle au bois dormant » n’attend aucun prince charmant. Ses seuls rendez-vous sont avec des vieillards décatis.

Comme la jeune fille du tableau de Wiertz « La belle Rosine », le seul reflet qu’elle percevrait dans le miroir si elle venait à se réveiller serait celui de la mort en marche. (mca)

(*) "Ailleurs" paru aux éditions Bourgois

(**) on pense notamment au film "Sourire" de Claude Miller ou à cet épisode troublant du film de Claude Sautet "Nelly et Monsieur Arnaud" dans lequel Michel Serrault contemple Emmanuelle Béart endormie.