Julie Depardieu, Alexandra Lamy, Jérémie Renier, Lucien Jean-Baptiste
Quand « Possessions » rime avec frustrations …
Après la bonne surprise du « Fils de l’épicier » en 2007, Eric Guirado nous revient avec un film dont les qualités mises en valeur sans esbrouffe esthétique ou narrative renforcent la justesse d’un récit centré sur un sens de l’observation fait de ces petits riens - un geste, une attitude, un élément du décor – qui donnent au récit non seulement son ossature mais aussi son sens.
Deux couples font connaissance dans un petit village de montagne. Peu à peu les relations entre eux se tendent. Parce que les uns se mettent à envier de plus en plus les conditions de vie aisées et confortables des autres.
Les portes d’entrée dans « Possessions » sont multiples - sociale, amicale, sociétale (le film est inspiré d’un fait divers, l’affaire Flactif (*) - et comme dans un jeu de domino imbriquées les unes dans les autres. Tissant entre les personnages des rapports dont la proximité grandissante sera la cause du drame à venir.
Proximité qui aiguise la jalousie, la convoitise, la brutalité de ceux qui savent qu’ils n’auront jamais ce que les autres ont en abondance.
« Possessions » navigue entre l’implacabilité tragique des références bibliques, qu’il s’agisse d’un des 10 commandements « tu ne convoiteras point le bien d’autrui » ou de l’un des 7 péchés capitaux « l’envie » et la difficulté, dans nos sociétés qui lie bonheur et richesse que génère la richesse, à trouver signifiante la réflexion de Lao-Tseu « Qui ne possède rien, n’a rien à craindre ».
Deux points apportent au film sa force et son équilibre. Un point de fuite qui anime les personnages qui n’hésitent pas à quitter pour recommencer ailleurs une vie qu’ils espèrent meilleure et un point de vue.
Celui d’un cinéaste qui porte un regard sans pitié sur nos modes de vie surendettée et axée sur une incessante comparaison entre les avoirs des uns et des autres.
« Possessions » est sans indulgence. Les nantis sont dans une insupportable mise en scène permanente de leur bien-être et les non-nantis dans une culture de la méchanceté crétine et jamais repue.
Jérémie Renier a choisi pour lester son personnage d’un maximum de beauferie bête et nocive de prendre 18 kilos, Julie Depardieu et Alexandra Lamy de cacher sous un sourire tendu leurs infranchissables différences, Lucien Jean-Baptiste d’afficher une sereine bienveillance censée rendre plus sympathique le fait qu’il se soit enrichi. D’une façon que l’on peut supposer proche de la combine.
« Possessions » a quelque chose de diabolique. Parce que sa résonance en nous se niche dans des détails (beaux vêtements, 4 x 4 et objets de prix ) qui font se gorger de vanité ceux qui les possèdent.
Et de haine de ceux qui ne les ont pas et ne les auront jamais. (mca)
(*) du nom du promoteur immobilier assassiné en 2003, dans la région d’Annecy, avec sa femme et leurs enfants.