Oeuvre video
4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s)

Coup de coeurPLOT POINT TRILOGY

Nicolas Provost (Belgique 2007,2010,2012)

des citoyens lambda et d’autres plus privilégiés - Jack Nicholson, Dennis Hopper, John Voight.

80 min.
1er juin 2012
PLOT POINT TRILOGY

Provost jusqu’au 30 juin chez Argos (*), c’est un peu Jason à la tête des Argonautes.

 

Un esprit fort, audacieux, libre, parfois mystique.

 

« Plot point… » c’est à la fois un travail de vidéaste. Un des meilleurs.

 

Et un reflet. D’un trio de métropoles affairées, clignotantes comme des arbres de Noël, dans lesquelles les gens, tels des poulets guillotinés courent, marchent, s’arrêtent, hésitent et puis reprennent leur errance.

 

Laissant parfois un cadavre derrière eux.

 

Espaces confinés et tarabiscotés dans lesquels le spectateur, très vite pris par un sentiment de claustrophobie, tente de se rassurer en se souvenant que le terrain d’exploration de l’artiste est deux des plus grandes villes du Monde (New York et Tokyo) et la troisième un artifice (Las Vegas) posé sur un désert à perte de vue.

 

Impression duelle soutenue et renforcée par un dispositif scénique qui chaloupe entre fascination, colère et intranquilité.

 

Cette intranquillité qui convoque autant Pessoa qu’Héraclite (**) ou Louise Attaque - « Plus que du vent qui passe par ici, des regards se croisent et se fuient … c’est juste une idée qui passe et que je fuis ».

 

Microcosme ou métaphore de la modernité urbaine (***) de sa vitesse, de ses promiscuités solitaires, de son manque de cohérence et de consistance, de ses inquiétudes, « Plot Point… », quoique se situant en dehors de tout fil narratif précis, a des allures d’un fantomatique thriller.

 

Moins par les deux crimes qu’il épiphanise que par son acuité à débusquer, essaimés dans la foule, la violence, l’ambigu besoin de rencontrer l’autre mais de s’en distinguer, de trouver un sens à l’existence que seul, parfois, le drame légitime.

 

Présent, intensément présent aux images, belles et denses, qui défilent, le spectateur glisse peu à peu, porté par l’hypnotique bande-son de Moby, dans une réalité parallèle qui devait être celle du public des premiers Louis Lumière.

 

Tiraillé (immergé ?) entre la matérialité de ce qui est montré et l’intangibilité de ce qui est suggéré.

 

La vida es sueno - la vie est-elle un songe (rêve et/ou cauchemar) se demandait déjà, au XVIIème siècle, Calderon ?

 

A chacun sa réponse à ce chassé-croisé sans fin entre illusion et réalité. Fiction et vérité documentaire.

 

Merci à Nicolas Provost de nous avoir rappelé que là gît tout l’enjeu du 7ème art.

 

Et peut-être de l’Art tout court. (mca)

 

(*) le Centre pour l’Art et les Media du 13 rue du Chantier à Bruxelles-Ville. Près du Quai du Commerce où on peut rendre, devant le numéro 23, hommage à Jeanne Dieleman et Chantal Akerman.

(**) au premier l’on doit « Le livre de l’intranquillité » et au second la réflexion que l’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve

(***) références tutélaires avouées à Walter Ruttman (" Berlin : symphony for a great city") et Dziga Vertov ("Man with a movie camera")