3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

Coup de coeurPAJAROS DE VERANO (OISEAUX DE PASSAGE)

Cristina Gallego et Cio Guerra

Carmina Martinez, José Acosta, Natalia Reyes

125 min.
10 avril 2019
PAJAROS DE VERANO (OISEAUX DE PASSAGE)

Colombie, années 1970.
Deux informations qui évoquent inévitablement le trafic de drogue et la culture hippie. Le duo de réalisateurs colombiens, Cristina Gallego et Cio Guerra, signent avec « Pajaros de verano » une fresque ethnographique sur la montée en puissance et la décadence d’une famille dans la période d’émergence des cartels de drogue.

Tirée de faits réels, l’histoire tragique qui se déploie sur 12 ans, nous est contée en plusieurs épisodes, comme autant de paliers au désenchantement qui mènent à une réflexion existentialiste. Les codes ne sont pas ceux du film noir auxquels nous sommes habitués et qui sont liés à une vision exclusivement occidentale. Et, bien que certains personnages haut en couleurs pourraient nous rappeler des classiques de films de gangsters, « Pajaros de verano » s’en détache pour se rapprocher d’avantage de la réalité socio-culturelle locale.

Les « Pajaros de verano », les oiseaux de passage, ce sont peut-être nous, les spectateurs, qui migrent le temps d’un film. Ce sont peut-être aussi ces jeunes hippies américains de passage sur les plages colombiennes en pleine effervescence du printemps de leur vie. Ou encore ces jeunes Wayuu qui, suivant la tradition, nous livrent une danse spectaculaire digne des plus belles parades nuptiales d’oiseaux exotiques. Au fond, nous sommes tous des oiseaux de passage dans ce monde.

Dès les premières images du film, nous voilà catapultés au sein d’une famille indigène Wayuu, étrangement matriarcale, qui se trouve embarquée dans la vente florissante de marijuana à la jeunesse américaine. Nous assistons à une sorte de choc des civilisations : la rencontre des traditions ancestrales et du capitalisme. L’enrichissement pécuniaire se fait au détriment des valeurs et des codes qui réglementaient la vie dans toute la région. Des lois fondamentales sont bafouées, l’honneur des clans est vilipendé, les règlements de compte n’ont plus de mesure. Nous voilà témoins de l’horreur que sème l’avidité.

Étonnant et ambitieux, « Pajaros de verano » nous déroute, car il met à plat un sujet qui jusque-là semblait réservé à des films très codifiés. L’envie me vient de faire un parallèle entre la remise en question tant des codes du film que des codes de la tradition, afin de transcender ce qui existe et pouvoir imaginer autre chose. Cela rejoint un peu ce que Ciro Guerra dit à propos du cinéma : « The nice thing about cinema is that you grab the reality and turn it into a dream. » (Ce qui est bien avec le cinéma, c’est que l’on saisit la réalité et on la transforme en rêve)

(Luz)