Coup de coeur mensuel
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Coup de coeurNA PUTU

Jasmila Zbanic (Bosnie 2010)

Zrinka Cvitesic, Leon Lucev, Ermin Bravo...

100 min.
12 janvier 2011
NA PUTU

Déjà en 2006, la jeune réalisatrice bosniaque Jasmila Zbanic nous avait touchés avec son premier long-métrage ’Grbavica’ , qui a eu le prix Cinéfemme cette année-là, mais aussi... l’Ours d’or à Berlin. Avec son nouveau film ’ Na putu’ ( ‘On the path’ en anglais), nominé à la Berlinale 2010, Zbanic réaffirme son talent indéniable.

Luna et Amar forment un couple heureux. Mais Luna n’arrive pas à réaliser son rêve d’avoir un enfant ; et Amar a un problème avec l’alcool à cause duquel il est provisoirement suspendu de son travail. Suite à une rencontre fortuite avec Bahria, un vieil ami qu’il n’avait plus revu depuis la guerre et qui a rejoint la communauté musulmane wahhabite, Amar accepte un job à plusieurs heures de route de Sarajevo, chez les wahhabites. Et après un séjour d’à peine quelques semaines, Amar revient transformé. Certes, il a arrêté de boire, mais au lieu du type drôle et sympa, il est devenu un moralisateur sévère qui n’hésite pas à attaquer ses proches et leur reprocher de ne pas être de bons musulmans. Ne reconnaissant plus l’homme qu’elle aime, Luna s’engage alors sur un chemin bien difficile, rempli de remises en question…

Avec un tel propos ’osé’ sur l’intégrisme, le film aurait facilement pu être attaqué sous prétexte d’être islamophobe, mais on ne peut vraiment pas accuser la réalisatrice de manquer d’objectivité car elle est elle-même musulmane... Et ce n’est ni la foi ni la religion musulmane que Jasmila Zbanic dénonce, mais bien l’interprétation extrémiste et dangereuse qu’on peut faire de cette religion, une interprétation qui réduit la femme au simple rôle d’épouse/mère, qui, voilée de noir de la tête aux pieds, n’a plus aucune liberté. Dans la société fermée et conservatrice des wahhabites, l’homme a en effet tous les droits, y compris celui de pratiquer la polygamie et le détournement de mineur, comme le montre la scène de la mosquée où Bahria prend pour seconde épouse, à l’abri des lois, une toute jeune orpheline qui n’a bien sûr aucun choix…

Une autre grande thématique du film est la question de savoir jusqu’où peut-on aller par amour ? Et la réponse que nous donne la réalisatrice à travers le choix de Luna semble être qu’il y a des limites à ne pas dépasser, car à côté de l’amour de l’autre, il y a aussi le respect de soi-même à ne pas oublier ; en effet, l’amour est un partage et non pas l’effacement ou ‘anéantissement’ de l’un des deux conjoints !

Bien que la réalisation soit sans surprises (Zbanic préfère se focaliser avant tout sur le propos), ‘ Na Putu’ est loin d’être juste un film engagé. Le sens de la narration irréprochable de la réalisatrice ainsi que le jeu extrêmement juste des acteurs font de ‘Na Putu’ une œuvre remarquable. A voir à tout prix !

Nadia Vodenitcharov