Sortie Netflix
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Moxie

Amy Poehler

Hadley Robinson, Lauren Tsai, Alycia Pascual-Peña, Patrick Schwarznegger, Amy Poehler… (Netflix)

111 min.
3 mars 2021
Moxie

Inspirée par l’adolescence rebelle de sa mère, Vivian, une lycéenne effacée, forme un groupuscule féministe anonyme pour lutter contre la culture misogyne de son lycée.

Netflix & l’inclusivité : une relation en dents de scie

La récente prise de conscience publique du manque de représentation des minorités dans les œuvres audiovisuelles a eu au moins une conséquence concrète : l’affirmation d’y remédier par de nombreuses sociétés de production, Netflix ne dérogeant pas à cet engagement. Mais passer de la sous-inclusion (voire l’invisibilisation) d’une partie de la population, et des problématiques qu’elle rencontre, à leur juste traitement cinématographique ne s’effectue pas aussi facilement qu’un demi-tour.

Dans leurs envies de bien faire, de rendre justice, peut-être même de se positionner du bon côté du débat, les studios sont parfois tombés dans l’écueil de la représentations « totem ». Je pense notamment au personnage de Marla Grayson, anti-héroïne du récent I Care a Lot (Netflix) et incarnée par la talentueuse Rosamund Pike. Marla est assertive et calculatrice, et partage sa vie avec sa compagne et associée, Fran. La force du personnage réside dans sa capacité à conduire des activités moralement et légalement douteuses au nez et a la barbe de tous, sans hésiter à confronter quiconque se mettra en travers de son chemin. Malheureusement, les scénaristes n’ont pas mieux trouvé pour illustrer cette louve déguisée en brebis que de la réduire à son genre, en lui offrant comme réplique (sûrement voulue cinglante) : « Ça te pose un problème de te faire battre par quelqu’un avec un vagin ? », alors qu’elle se fait alpaguée par un homme qu’elle vient d’arnaquer.

C’est avec l’appréhension de voir ce type de maladresse que j’entamai Moxie. Heureusement, mes inquiétudes furent vite balayées par la représentation authentique de la frustration adolescente face à une injustice rampante. Toutes les héroïnes de ce film sont à la fois banales et uniques, lycéennes ordinaires aux combats singuliers. Au lieu de régurgiter des discours, autrement nécessaires, sur la notion fondamentale d’égalité des genres et des chances, elles apprivoisent petit à petit cette envie de rébellion et de sororité, quitte à faire des erreurs. Car il est également important d’avoir des héros et héroïnes féministes et faillibles, surtout dans une œuvre s’adressant à un public en pleine construction physique, psychologique et idéologique. L’intersectionnalité est loin d’être évidente pour Vivian qui, jeune fille blanche, n’a jamais connu le racisme et se permet donc de conseiller à une jeune camarade noire de juste « laisser couler », avant de se faire gentiment rembarrer.

Ce simple échange prouve que les combats pour les nobles causes ne s’affranchissent pas du droit à l’erreur, que nous sommes toutes et tous des féministes, voire des humanistes, en construction. Moxie rend la part belle à une génération de plus en plus informée et consciente des enjeux humains que la société lui réserve, et élève la sororité au rang de refuge galvanisant.

Teen movies : la reconquête du genre

Le 8 janvier dernier, le webzine féministe français Madmoizelle consacrait un épisode d’Affichées, leur podcast cinéma, aux teen-movies. Depuis plus de 50 ans, ce genre cinématographique façonne des idéaux adolescents et porte à l’écran des fresques aux injonctions plus ou moins insidieuses. Comme tous les codes, il répond à certaines attentes, comme les ingrédients indispensables d’un teen movie réussi : un relooking, une histoire de cœur, un décor de lycée, des déboires amicaux etc. Si pendant longtemps, ces films ont prôné des dynamiques sexistes, mis en avant quasi-exclusivement des personnages principaux blancs, et ont relayé les relations non-hétérosexuelles au rang de gags, il souffle désormais sur eux un vent de fraicheur (et ça fait du bien).

Je pense notamment à la trilogie To All The Boys… (Netflix), dont la qualité varie d’un volet à l’autre, mais qui a su mettre une héroïne d’origine asiatique au cœur de l’intrigue, sans la réduire à son ethnicité. Moxie détourne aussi joyeusement ces codes. Le relooking traditionnel censé transformer l’héroïne vilain petit canard en cygne grâcieux, est cette fois utilisé pour unir les lycéennes face à une règle de code vestimentaire injuste et misogyne. L’union remplace l’aliénation.

Et les mecs dans tout ça ? Car si les teen movies s’adressent pour la plupart aux jeunes filles, les personnages masculins y abondent, traditionnellement cantonnés à des rôles tout aussi stéréotypés que leurs homologues féminins : la star du lycée, généralement sportif option harceleur, le geek à la confiance en soi inexistante, le meilleur ami lourdingue etc. Là encore, Moxie rend hommage à la jeunesse, peu importe son genre. Si l’antagoniste du film est un jeune homme, d’autres personnages masculins viennent amener un panel de personnalités, de sensibilités et de convictions différentes.

Quand le générique de fin s’est lancé, j’ai eu une microseconde égoïste, à penser rageusement « Mais ils étaient où les Moxie quand moi j’étais ado ?? », avant de me rendre compte que j’étais simplement heureuse et pleine d’espoir à l’idée que la jeunesse d’aujourd’hui ait accès à un tel film.

Dounia Haegel