Cécile de France, Roschdy Zem, Jean-Pierre Cassel, Martine Chevalier, Pascal Elbé (co-scénariste avec Zem)
Si on se prête au jeu des homophonies, à la façon d’un Edmond Blatchen demandant à ses invités comment ils écrivent les mots « nom de Dieu », les graphies de « Mauvaise foi » révèlent une architecture triple soutenue par des acteurs dont l’envie d’être au plus près leur rôle est énergétiquement palpable.
S’il fallait en distinguer un, ce serait Pascal Elbé parce qu’il est le Jiminy Cricket de l’histoire, celui qui ose mettre des mots là où ça fait mal.
Clara est juive, Ismaël est arabe. Ils sont amoureux et souhaitent vivre ensemble. Ils ne se doutent que l’officialisation de leur intention va les mener à devoir se définir par rapport aux autres, à eux-mêmes et aux sentiments qu’ils se portent.
Si l’on donne au mot « foi » du titre une connotation religieuse, le film souligne, avec une justesse (*) dont le ton convivial n’exclut pas une certaine âpreté, les embûches que devront affronter chacun des personnages. Leur laïcité avouée ne les mettant pas à l’abri de préjugés et de coutumes dont ils n’avaient jamais auparavant soupçonné la force aliénante.
Si l’on ajoute un « s » à foi on élargit le regard à un questionnement plus intime qui peut saisir chacun au moment de s’engager. Est-ce que le projet d’avoir un enfant est une bonne idée ?
Vivre avec quelqu’un qui ne partage pas vos traditions est-ce possible ? Comment peut-on être certain que c’est la bonne fois ? Celle qui fonde les unions heureuses et longues.
Si l’on s’attache à la connotation juridiquo-éthique des mots « mauvaise foi » le propos s’élargit encore parce que le scénario, avec une lucidité qui fait souvent mouche, souligne combien il est difficile de ne pas gauchir une relation de peurs racistes et intégristes. Un peu comme si derrière tout rapport individuel se camouflait, menaçante, l’ombre d’un enjeu géo-politique bien plus vaste.
En 1967 Stanley Kramer dans « Guess who’s coming to dinner ? » abordait le thème du rapport à la différence de l’autre sur un ton plutôt polémique. « Mauvaise foi » privilégie, pour aborder le même thème, le registre de la comédie, qui écorne, entre sourires et blagues, des clichés communautaires (**) tenaces. Dès lors pourquoi bouder son plaisir au prétexte d’une mise en scène un tantinet convenue, d’une bienséance finale (trop) téléphonée et d’un parti pris bibliothèque rose (et pas rosse) du « tout le monde il est beau et gentil » ?
Au moins, même si ce n’est que le temps d’un film, le spectateur ne sera pas incité à projeter les tumultes du conflit israëlo-arabe et la mémoire du 11/09/01 sur les relations à la mixité épineuse. (m.c.a)
(*) vraisemblablement due au fait que Zem sait de quoi il parle, son épouse étant juive.
(**) notamment celui du rapport mal perçu entre la jeune fille non occidentale et le football, comme dans le populaire « Bend it like Beckham » de Gurinder Chadha « ou l’intriguant « Hors jeu » de Jafar Panahi.