Mimi Branescu, Mirela Oprisor, Maria Popistasu
"Regarde autour de toi, ô Sire, et vois
Les terribles destructions faites par ce
Monstre cruel dans ton noble royaume". Mozart, Idoménée.
Jusqu’à il y a peu, les films roumains portaient tous et toujours les stigmates du régime ou post-régime Ceaucescu.
Avec « Mardi… », la page semble tournée. Le "monstre cruel" a cessé d’être politique pour devenir … bourgeois.
Dans un Bucarest où les cylindrées allemandes ont remplacé les Trabant et où dorénavant les Delhaize (merci les sacs placement-product) ont pignon sur rue, les problèmes ont changé.
Ils ne sont plus de survie mais de vie. De vie banale, commune à tant de couples mariés depuis 10 ans. Qui s’aiment encore mais dont l’un, tombé amoureux, envisage de refaire sa vie avec la nouvelle élue.
Le mot recrue, qui vient d’abord à l’esprit, est peut-être trop fort pour ce film au scénario minimaliste, volontairement dépourvu d’originalité pour coller au plus près et donc au plus juste des tourments, désarrois et faiblesses des personnages.
Défendus, avec qualité et justesse, par des acteurs dont les rancoeurs, tristesses et espoirs sont rendus par une des spécialités (dont on espère qu’elle ne deviendra pas un automatisme) des cinéastes roumains : le niagara de plans-séquences et l’enfermement dans un cadre souvent bien trop étroit. Parfois même suffocant.
S’il est vrai que devant cet xième film de plus sur l’adultère, une première réaction peut-être d’ennui, celle-ci est vite effacée.
Non pas que « Mardi… » atteigne les sommets des œuvres qui traitent du sujet - « L’aurore » de Murnau, "Le bonheur" d’Agnès Varda, "Tu n’aimeras point" de Haim Tabakman - mais parce que sa recherche d’équilibre formel, sensible même à un spectateur peu intéressé par le travail que représente une mise en scène lorsqu’on la veut discrète, rend avec une troublante pudeur les vulnérabilités et doutes qui agrippent de l’intérieur le mari, la femme et la maîtresse.
Aucun des personnes n’est en soi sympathique et rien n’est fait, au niveau de l’interprétation ou de la réalisation, pour les rendre sympathiques.
Cette volonté de neutralité leur permet d’être des surfaces prêtes à recevoir, en raison même de leur lissité, nos émotions.
Faisant de chacun de nous non pas des voyeurs mais des accompagnateurs de ce qui est et demeure, même si ces situations triangulaires sont aussi fréquentes que des accidents de la route par temps de pluie, chaque fois un drame.
Un mini drame certes si on le compare aux traumatismes de la dictature qui ont ombré le pays.
Mais un drame dont les secousses mettront, elles aussi, du temps à s’estomper.
Si la fidélité n’est plus (mais l’a-t-elle jamais été ?) une vertu en laquelle on croit, elle n’en reste pas moins, surtout lorsque l’amour double la simple envie d’un renouveau sexuel, un fauteur de trouble conjugal.
Posant pour le dénouer la nécessité de choisir entre « l’ancien et le nouveau ».
C’est ce que rappelle avec parfois une certaine aridité (à ne pas confondre avec sécheresse) due à le volonté de filmer-à-distance, le regard de Muntean ne moralise pas, ce film grave et profond.
A la lumière volontiers contrastée comme pour souligner que ce qui se joue, là sous nos yeux, ce n’est pas que du cinéma.
C’est aussi une tranche de vie. Qui peut ressembler à la nôtre. (mca)