Polar
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MAINS ARMEES

Pierre Jolivet (France 2012)

Leila Bekhti, Roschdy Zem, Marc Lavoine

105 min.
8 août 2012
MAINS ARMEES

On peut en faire des choses avec les mains. Des plus belles, cueillir une fleur, jouer les Variations de Goldberg, ouvrir la porte à un ami …, aux plus sordides.

Dégainer pour tuer, frapper, dealer.

Dans ce film haletant et pulsant qui commence et se termine par une bande-son signifiante - comme dans le film de Joachim Lafosse « Elève libre » dans lequel le personnage principal s’épuise au lancer de balles de tennis.

L’intrigue du dernier Jolivet (qui a donné à tant d’acteurs de beaux rôles, Patrick Bruel en jeune mathématicien écartelé entre conscience et égoïsme dans "Force majeure" ; Vincent Lindon en patron de PME qui, dans "Ma petite entreprise" découvre que l’amitié a un synonyme : la solidarité) mêle avec un réalisme violent et "noir de noir" le trafic d’armes et de drogues, l’addiction à la corruption chez certains policiers et le souci chez d’autres de faire leur travail avec économie d’hémoglobine, sens des responsabilités et intelligence.

Ces aspects de la dramaturgie, exposés avec une efficacité que l’on aurait aimée moins obscure dans la compréhension des faits, suffisent à faire de « Mains armées » un bon polar.

Mais ce qui en fait un bon film c’est bien autre chose.

Ce je-ne-sais-quoi qui s’insère dans le crépusculaire comme des étoiles donnent au ciel une proximité lumineuse. Et qui pose une des questions fondamentales de l’existence : la vie que nous menons n’est-elle qu’une réponse, illusoire souvent, à un manque.

Dont nous portons le poids, la honte parce qu’un jour nous n’avons pas été à la hauteur de ce qui aurait dû être fait.

On le sait les polars, d’aujourd’hui mais aussi d’hier (*), sont des occasions pour aborder des problèmes qui dépassent les convenues oppositions entre forces de l’ordre et du désordre en cognant, avec pertinence et parfois surprenante tendresse, aux mystères enfouis en chaque homme.

Dans « Mains armées » la ligne narrative semble n’être là que pour nous faire comprendre que ceux qui mènent des enquêtes peuvent parfois et surtout être en quête d’autre chose.

De plus personnel et qui en l’occurrence pourrait se rapprocher d’une tentative de rachat.

C’est avec une sobriété aussi sensible qu’intense que Roschdy Zem et Leila Bekhti incarnent qui un flic qui une inspecteure de police soudés par un lien bien plus complexe et puissant que celui d’être partenaires de travail.

Ils majorent le film d’une émotion grave qui donne, en bout de pellicule, au simple fait d’une main qui se pose sur une épaule une puissance affective qui symbolise à elle seule toutes les attentes d’une enfant envers son père.

Présence, attention et protection. (mca)

(*) voir le numéro du magazine "Lire" de juin 2012 consacré au Polar