Drame
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LONDON TO BRIGHTON

Paul Andrew Williams (UK 2007 - distributeur : Paradiso Films)

Lorraine Stanley, Georgia Groome

90 min.
4 juillet 2007
LONDON TO BRIGHTON

Lorsque le Prince de Galles, le futur George IV quittait Londres pour Brighton, son intention était celle d’un luxueux villégiaturiste - comme en témoigne son exotique lieu de résidence « Le pavillon royal » - : se divertir.

Dans les années 1960, les jeunes Anglais avaient fait de Brighton la capitale d’un mouvement culturel populaire, les Mods » (apocope de modernists) dont les bagarres avec leurs « ennemis », les Rockers, animaient les plages de la célèbre station balnéaire.

En 2006, Paul Andrew Williams choisit, pour son premier long métrage, d’en faire le point de chute d’une fuite. Celle de Kelly et de Joanne, une jeune femme et une adolescente qui souhaitent mettre entre elles et Londres une confortable distance qui les protégera, croient-elles, des desseins vengeurs d’un caïd de la pègre londonnienne.

Ce thriller troussé avec efficacité fait, dès les premières images haletantes comme dans "Kiss me deadly" de Robert Aldrich, le choix d’une violence qui ne faiblira qu’en fin de film, face à une invraisemblable cauda éthique qui induit autant de malaise que les raisons - la perversion sexuelle et le meurtre - qui ont présidé à la panique fugueuse des deux héroïnes.

N’évitant ni pathos ni voyeurisme, le film patauge dans le glauque avec la constance têtue d’un enfant qui prend plaisir à jouer dans la gadoue.

« London to… », à partir d’un scénario dont les flash back constituent l’essentiel des rebondissements, manipule le spectateur scotché, par une curiosité faisandée, à l’envie de connaître le pourquoi de cette entrée en calvaire.

Articulé par les trois P de la pègre, prostitution et pédophilie, ce film ne fait pas que raconter une cavale. Il pointe, avec un punch naturaliste, cette Angleterre âpre et inégalitaire que Ken Loach sait puissamment décrire.

Les gros plans, la caméra portée, les allers-retours entre présent et passé donnent à « « London to… » un rythme pulsé qui épouse les exigences du thriller : tension et noirceur.

Julien Gracq écrit (*) à propos de la littérature « … si elle n’est pas pour le lecteur un répertoire…de créatures en perdition, elle ne vaut pas la peine qu’on s’en occupe ».

Paul Andrew Williams a saisi le message qu’il a cinématographié par une sordide confrontation entre deux paumées (interprétées avec grande conviction) et le monde interlope qui, en couche underground, se juxtapose à la vie apparemment rangée d’une grande ville.

Il n’y a pas qu’à Rio de Janeiro qu’il y a des enclaves « City of God » … (**) (m.c.a)

(*) « En lisant en écrivant » paru aux éditions José Corti.
(**) le « Cidade del deus » de Fernando Meirelles.