Kate Winslet, Jennifer Connelly, Sadie Goldstein, Patrick Wilson
Quand les relations entre soi et les autres croisent désirs et frustrations.
Bien plus qu’un film choral « Little children » est un instantané - parfois même un cliché - sur la vie d’une banlieue aisée de la côte Est des Etats-Unis au moment où sa quiétude bien pensante est troublée par le retour, après une peine d’emprisonnement, d’un voisin pédophile.
Sarah (impeccable Kate Winslet dont les tenues à la quatre-six-deux, salopettes et tee-shirts informes, n’entament en rien l’intelligente et sensuelle beauté) est une jeune femme coincée entre un mari plus âgé et amateur de web porno et une petite fille qui l’ennuie. On savait depuis sa prestation-révélation dans « Heavenly creatures » de Peter Jackson qu’elle était une comédienne d’exception. « Little children » confirme sa capacité à pouvoir suggérer, avec le minimum, l’étroitesse d’une existence dans une petite ville qui suffoque sous les notions de péché et de malveillante hypocrisie.
Pour échapper à une routine dont elle est complice - pourquoi diable une jeune femme qui possède un MA en littérature a-t-elle choisi de ne rien faire de ses journées ? - elle prend comme amant Brad, un homme au foyer cloué d’inhibition par la réussite matérielle de son épouse. Entre eux il y aura quelques scènes torrides accompagnées pour lui d’un torrent de culpabilité et pour elle de la lente prise de conscience que le romanesque d’une situation adultérine - sur fond de bovarysme revendiqué – est plus révélateur de malaises enfouis que de bonheur et de libération.
Le renoncement des amants l’un à l’autre s’inscrit moins dans un esprit sacrificiel ou moralisateur que dans la tentative de deux jeunes adultes de cesser d’être de grands enfants et d’oser aborder la vie avec une maturité qui, jusque là, leur faisait défaut.
Si le réalisateur laisse une chance à ses personnages de sortir de leur irresponsabilité puérile, il est, par rapport au thème de la pédophilie, infiniment plus radical.
Il ne croit ni à la réinsertion - la scène dans la piscine publique qui se désertifie lorsque le pervers s’y baigne est plus sanctionnante que tous les jugements - ni à la guérison du malade. Les scènes de castration ont toujours ce côté désespéré (« La dernière femme » de Marco Ferreri) qui souligne le manque de confiance d’un individu en sa volonté lorsqu’il est confronté à la puissance irrépressible de la pulsion qui le taraude.
« Little chidren » est un beau film, à la mise en scène ample et rigoureuse, dont le parti pris d’encadrer l’action d’une voix off renforce le regard critique sur un microcosme piégé par le plus banal des quotidiens.
C’est aussi un film courageux qui ose interpeller la relation mère-fils (très convaincants Phylis Somerville et Jackie Earl Haley) en nous faisant réfléchir sur l’impact que peut avoir, dans l’émergence d’une perversion, le fait d’avoir été éduqué et aimé dans une maison dont le principal motif de décoration était des figurines d’enfants - ces little children qui peuvent donner au titre un sens bien plus grave que celui consistant à dénier aux personnages du film la qualité d’adultes.
Il y a du John Updike (« Couples ») dans la réflexion (*) menée par le cinéaste, mais il y a aussi
quelque chose de plus secrètement violent et ambigu qui rappelle que le réalisateur a été acteur dans le « Eyes Wide Shut » de Kubrick (m.c.a)
(*) son écriture est, elle, inspirée par le roman de Tom Perrotta qui a co-scénarisé « Little children »