Khomotso Manyaka
Si le cinéma n’est pas là pour réparer les âmes blessées, il peut élargir le conscience de ceux qui y vont.
En leur permettant de mieux comprendre le monde qui les entoure et dans le meilleur des cas, lorsque les sensibilités des cinéastes et des spectateurs se croisent, d’entrer dans le mystère de ce 7ème art qui ouvre à ce quelque chose de plus grand que nous et que certains appellent compassion.
Cette émotion qui s’adresse moins à l’intelligence qu’à ce lieu où se nichent les sentiments et l’énergie pour vouloir que les choses changent : le cœur.
Apparemment tout est réuni pour faire de « Life above … » un mélo – Chanda, une jeune fille de 12 ans après avoir été chargée de s’occuper des funérailles de sa petite sœur vraisemblablement morte du sida, la maladie ne sera pas nommée, va lutter pour ramener au village sa mère ostracisée par des tabous et préjugés d’un autre âge.
Cette histoire - qui a pour cadre un bidonville de Johannesburg et parle de pauvreté, de prostitution, d’exclusion, de chagrin -échappe à tout misérabilisme.
A tout sentimentalisme, ces plaies d’un cinéma geignard qui suscitent méfiance voire rejet lorsqu’elles visent à manipuler nos réactions pour les transformer en tire-larmes boursouflés.
La force visuelle de « Life … » tient en peu de mots : simplicité, lisibilité, choix de tourner en décors et dialectes locaux.
Sa force narrative est tout aussi concentrée : dignité, amour et refus d’accepter que la vie soit réduite à être ce que les autres ou les superstitions veulent qu’elles soient.
Cette troisième réalisation (*) d’un jeune cinéaste sud-africain est portée par une jeune actrice qui sait donner lumière à la gravité et retenue à la générosité. Elle incarne avec une beauté aussi naturelle que poignante le questionnement qui n’exclut pas l’espoir d’une enfant obligée de devenir adulte trop vite et trot tôt.
Il n’y a pas de naïveté dans « Life … », il y a juste de l’innocence. Et de la pureté sans lesquelles le film s’écraserait sous un poids d’un trop de malédictions.
Chanda a un secret. Celui-ci n’est pas que de polichinelle, il est entretenu par un coupable manque d’informations qui laissent les habitants macérer dans leurs superstitions et intolérances.
Sans jamais être nommément pointée du doigt, « Life… » filigrane une responsabilité. Celle d’un gouvernement dont la politique (de désintérêt ou d’incompétence) laisse face à une épidémie qui frappe 12% de sa population, une partie de celle-ci, noire essentiellement, sans soins préventifs ou curatifs.
Cette responsabilité subliminalement toujours présente ne fait pas de « Life … » un film uniquement intimiste et sensible
Il en fait un film de dénonciation. D’indignation.
Un film de combat.
Un film à voir par tous. Parce la lutte d’aujourd’hui devra être continuée et amplifiée par les générations à venir.
« Le secret de Chanda » est librement adapté du livre d’Alan Stratton publié aux éditions Bayard Jeunesse. (mca)
(*) après « Mapantsula » et « Hijack stories » tous deux articulés autour de l’histoire d’une Afrique du Sud marquée, au fer de la délinquance, par l’Apartheid et le post Apartheid.