Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, Ludivine Sagnier, Louis Garrel, Milos Forman et avec la participation de Michel Delpech
Le mythe de Cendrillon n’est pas mort. Il continue toujours à faire rêver les jeunes filles qui aiment porter de jolis escarpins pour séduire.
Il permet aux dames plus âgées de se souvenir qu’une paire de chaussures rouges a joué dans leur vie amoureuse un rôle essentiel.
De Paris en 1954 à Reims en 2011 une boucle se tisse entre 2 femmes, mère et fille, et les hommes qu’elles ont aimés.
Ces hommes qui ne sont pas toujours ceux qui les ont aimées. Ou qui ne les ont pas aimées avec l’intensité et l’exclusivité espérées.
Ce sentiment passionnel avec lequel Christophe Honoré joue dans sa dernière réalisation étonne par son manque de conviction et ses platitudes de fond et de forme. Il détonne aussi de la part de celui qui dans « Chansons d’amour » avait donné au deuil et aux troubles de l’identité sexuelles une force qui continue à bouleverser 4 ans après avoir été vu.
Est-ce parce que l’interprétation a ici perdu de sa grâce au profit d’un empâtement qui fige les relations entre les personnages ?
Est-ce parce que le cinéaste n’a pas les moyens de son ambition : parcourir sur plus de 40 ans les bouleversements qui enrayent ou confirment les amours et défont ou refondent autrement le désir physique ?
Ce désir menacé par le temps, inéluctable vampire qui réclame à chaque pleine lune sa dose de renouveau pour ne pas suffoquer sous la routine.
Ce désir qui sera contrarié par les aléas de l’Histoire et de la vie - l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, le 11 septembre 2001, la fin avec l’apparition du sida ce que Françoise Giroud a appelé "la parenthèse enchantée (*), la maladie, le coup de foudre unilatéral d’une hétéro pour un homosexuel, le suicide, la solitude ....
Si « Les bien-aimés » peine à convaincre par son absence de finesse psychologique, il perd toute crédibilité dans sa reconstitution des événements historiques et finit par sidérer par sa vision d’un Monde nombriliste dans lequel les personnages ne semblent évoluer que dégagés de toute implication ou engagement autre qu’égoïste.
Juste soucieux de se maintenir à flot dans un univers petit bourgeois en perte de repères et en éclatement de valeurs dont celui de vouloir un enfant d’un partenaire porteur possible du virus HIV laisse pantois - tendance à l’irresponsabilité initiée par le film (encensé par le boboland germanopratin) "Les nuits fauves" de Cyril Collard sorti en 1992.
S’il est vrai qu’" un cinéaste fait toujours le portrait bon gré mal gré de sa génération" (**) alors avouons que celle-ci est d’une tristesse et d’un pessimisme désolants.
Tout semble si superficiel dans ce film dont la toile de fond, même lorsqu’elle convoque Dubcek et Ben Laden, n’est présente que, comme au théâtre, pour appuyer les vagues à l’âme et hésitations de ses bien peu charismatiques héros.
Manquant de souffle, « Les bien-aimés » laisse un goût de brouillon et de bouillon - trop de pistes narratives sont en lice pour permettre à chacune d’être correctement développées même en 135 minutes de projection.
Si le couple Deneuve/Mastroianni fille est bien falot, la prestation de Ludivine Sagnier maniérée, celle de Louis Garrel pesante, la première apparition à l’écran de Michel Delpech surprend agréablement. Sa discrète mais solide présence rappelle celle d’un autre chanteur, Michel Jonaz dans « Le tango des Rashevik » de Sam Garbaski.
Quant à Milos Forman, c’est moins son jeu qui intrigue que le fait de se demander si c’est à son entregent que l’on doit d’avoir donné à plusieurs des personnages des « Bien-aimés » des noms et prénoms qui renvoient au « printemps de Prague » du cinéma tchèque : Véra (comme Véra Chytilova), Jaromil (comme Jaromil Jires) et Passer (comme Ivan Passer) le réalisateur d’"Eclairage intime" qui a émigré aux USA en même temps que le réalisateur de « Au feu les pompiers ».
On l’a compris et même si les chansons d’Alex Baupain sont un des rares intérêts de la dernière réalisation de Christophe Honoré il ne suffit pas de les fredonner pour prendre son pied – fût-il chaussé de Roger Vivier. (mca)
(* )film éponyme de Michel Spinoza sorti en 2000
(**) Christophe Honoré dans le "Nouvel Observateur" du 6 août 2011