Adaptation d’un livre
4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s)

LES ADIEUX A LA REINE

Benoit Jacquot (France 2011)

Diane Krüger, Virginie Ledoyen, Léa Seydoux, Xavier Beauvois

100 min.
21 mars 2012
LES ADIEUX A LA REINE

Chapeau bas à Benoit Jacquot qui a réussi la prouesse d’être en même temps innovant et cohérent par rapport à deux oeuvres. La sienne et celle de Chantal Thomas dont il a su adapter le roman avec intelligence et somptuosité.

C’est à travers un point de vue porté sur un moment précis et cruel de l’Histoire de France qu’il relève et tient la gageure de condenser la plupart des thèmes qui, des "Ailes de la colombe" à "Villa Amalia" ont fait de son cinéma une œuvre singulière, délicate, balancée entre rigueur (ascèse ?) académique et exquise sensibilité.

Chez Jacquot il est presque toujours question de voyage. De chemin qui mène les personnages vers des parties d’eux-mêmes qu’ils ignoraient.

Ces allers retours entre détresse et insouciance, entre solitude et foul-itude, le cinéaste les filme par touches minimalistes et intimistes comme si seule une approche au plus près des corps et des visages de ses personnages, essentiellement féminins, était le gage d’une représentation fidèle des mouvements qui les agitent. Les font se questionner, douter, fuir ou accepter de mourir.

3 jours en 1789, du 14 au 17 juillet, durant lesquels un Monde va disparaître et obliger ceux qui y étaient attachés à changer.

Pour donner chair et sens à une époque qui se termine, un trio d’actrices - auquel on peut joindre une Noémie Lvovsky, remarquable en porte drapeau d’une étiquette-symbole d’un temps bientôt révolu.

Un trio de femmes : une reine, une favorite et une lectrice.

La première c’est Diane Kruger, moins iconique et victimaire (*) mais tout aussi fascinante que Kristen Dunst dans la « Marie-Antoinette » de Sofia Coppola. La seconde c’est Virginie Ledoyen chez laquelle l’arrogance et le rayonnement sexuel légitiment le sentiment amoureux d’une souveraine et la jalousie de tous les autres.

La troisième c’est Léa Seydoux (nouvelle muse du réalisateur ?) jeune fille, cultivée, indépendante voire frondeuse qui observe et aime sa Reine au point de mettre, pour lui obéir, sa vie en danger.

Il y a en elle quelque chose de la « folle » détermination d’Isild Le Besco, en fan inconditionnel d’Emmanuelle Seigner dans le troublant « Backstage » d’Emmanuelle Bercot.

La réflexion de Benoît Jacquot sur la perversion, la férocité (souvent inconsciente) qui découlent de l’exercice du pouvoir est mise en scène de façon … royale.

Captant avec lucidité la schizophrénie d’un château, celui de Versailles, tiraillé entre majesté des salons et misérabilisme des combles. Suivant, caméra à l’épaule, les déplacements sans fin des courtisans, domestiques et dames de compagnie dans des couloirs dont les mystérieux réseaux reflètent le chaos propre à tout régime vacillant.

Saisissant les incertitudes, angoisses, tourments de chacun avec une volonté qui mêle choix esthétiques et approche humaine.

C’est avec style et passion que Chantal Thomas a, par sa description en creux d’une révolution encore en bourgeon, suscité notre émotion.

C’est avec les mêmes outils que Benoît Jacquot, nous envoûte.

Nous fait palpiter au seuil d’un bouleversement qui, on le sait, ne fera que remplacer des horreurs par d’autres horreurs. (mca)

(*) différence justifiée essentiellement parce que là où s’arrête le film de Coppola commence celui de Jacquot - la récréation vient d’être sifflée.