Nathalie Baye, Jalil Lespert, Roshdy Zem, Antoine Chappey
La rumeur cinématographique veut que le rôle du commandant de police Vaudieu ait été écrit pour un homme (Jacques Dutronc).
Quelle chance que ce dernier ait été saisi de procrastination, permettant ainsi à Nathalie Baye d’interpréter un de ses plus beaux rôles : celui d’ un femme brisée, hantée par la mélancolie d’un deuil non fait et capable pourtant d’être efficace dans les enquêtes criminelles qui lui sont confiées.
Vaudieu va épauler, dans son début de carrière, une jeune recrue (un convaincant Jalil Lespert) qui a choisi de devenir flic « à cause des films », réponse supposant un naif enthousiasme bien différent de celle faite, dans « Adieu poulet » de Pierre Granier-Deferre par Patrick Dewaere prétendant qu’il était devenu policier parce « qu’il était feignant et qu’il n’avait aucune capacité ».
« Le petit lieutenant » (référence en forme de discret hommage au « Petit soldat » de Godard )
oscille entre la description sans afféterie de la réalité quotidienne d’un commissariat parisien et
l’approche plus romancée de la vie privée de ses résidents.
Ceux-ci, bien loin des caricatures des feuilletons télévisés ou de leurs homologues américains
alourdis de techniques sophistiquées ou de comportements excessifs, sont des êtres humains
qui connaissent le désarroi, la culpabilité, l’impuissance face aux agressions du monde.
Ils sont loin d’être parfaits – certains d’entre eux professent même de bien dangereuses idées d’extrême droite - mais ils incarnent, avec banalité, courage et amertume, un métier qui souvent les prend au dépourvu.
Comme le rappelle le dernier plan ( Serge Daney un des maîtres de Beauvois disait « Faire des plans, pas des images ») du film, entièrement cadré sur le regard d’une solitaire vulnérabilité de Vaudieu, la vie est là pour vous cabosser et vous enserrer de ses tragiques imprévus.
Vous n’y laissez pas nécessairement votre peau mais sûrement une partie de votre âme. (m.c.a)