Karin Viard, Chloé Coulloud, Pascal Elbé, Kad Merad
Les rapports mère-fille sont une mine d’or pour les psychanalystes (*) et pour les cinéastes (**).
Lulu est une jeune fille de 15 ans. Entre un père aimant mais souvent absent et une mère dépressive, elle vit une adolescence tiraillée entre insolence et fleur bleue.
Elle ne supporte pas que les garçons s’intéressent à elle mais elle est prête à tout pour retrouver le fiancé d’autrefois de sa mère afin de lui redonner le sourire.
« La tête de maman » est un film un peu brouillon parce qu’il a l’ambition de ratisser large. C’est à la fois une histoire d’amour entre une fille et sa mère, une approche de la maladie dans ses adrets psychosomatiques, un regard sur le dysfonctionnement au quotidien d’un couple qui ne communique plus, une réflexion sur l’hérédité et un travail sur la fertilité de l’imaginaire pubertaire.
Les sujets sont graves mais traités avec une fantaisie qui, si elle déleste le récit du poids d’une peine qui aurait été trop lourde à réellement explorer - la cinéaste ne cache pas les racines personnelles de son inspiration - enlève au propos une certaine profondeur donnant à « La tête de… » ce côté français agaçant de la superficialité lorsqu’elle se conjugue à la volonté que les choses s’arrangent. La romance « rose » par opposition à la romance âpre d’une Catherine Breillat.
Lulu en se réconciliant avec sa mère se réconciliera avec elle-même, elle comprendra l’importance d’une vie sexuelle réussie (à 15 ans bravo !), elle suscitera chez sa grand-mère un questionnement d’ordre psycho-générationnel, elle permettra que son père croise, rempli de bienveillance, l’amoureux de sa mère et enfin, attentive et dévouée, elle accompagnera celle-ci dans la phase terminale d’un cancer.
Véritable fée guérisseuse, Lulu en fait trop pour être crédible. Tout comme le scénario accumule trop de coïncidences pour être vraisemblable. A moins que justement ce ne soit là le réel enjeu du film : l’importance du fantasme. Ce que donnerait notamment à penser la présence réconfortante d’une Jane Birkin que la jeune héroïne fait apparaître à volonté, comme Aladin le fait avec son (bon) génie.
« La tête de… » est portée par deux actrices à la complémentarité intéressante. A l’énergie de l’une (Chloé Coulloud) répond avec justesse la morosité de l’autre (une Karine Viard qui réussit à mettre sous le boisseau la verve et la pétulance auxquelles elle est souvent associée).
Les deux acteurs sont, dans des rôles moins développés, étrangement « absents ». Comme s’ils se contentaient d’assumer la partie passive du film, faite d’acceptation et de résignation face à ce qui tout compte fait est la narration d’un drame. Celui d’une vie ratée parce que, scotchée à un souvenir de jeunesse, elle n’a jamais pu être vécue.
Comme si la nostalgie du bonheur était le plus sûr moyen de ne jamais l’atteindre. (m.c.a)
(*) « Entre mère et fille : un ravage » de Marie-Magdeleine Lessana (éd. Fayard) ; « Les filles et leurs mères » d’Aldo Naouri (éd. Odile Jacob)
(**) « Secret & lies » de Mike Leigh, « Betty Fisher et autres histoires » de Claude Miller , « Absolument fabuleux » de Gabriel Aghion, « Virgin suicides » de Sofia Coppola, « Chocolat » de Lasse Halström, « Volver » de Pedro Almodovar ...