Documentaire
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LA PLANETE BLANCHE

Thierry Piantanida & Thierry Ragobert (France 2005 - distributeur : Cinéart)
86 min.
5 avril 2006
LA PLANETE BLANCHE

Quand on habite la ville, la terre on la voit macadamisée, grise et terne.
Mais dès qu’on prend du recul pour sortir de cette vision a-colorée, on réalise très vite que certains la voient verte (« La belle verte » de Coline Serreau) ou bleue (« The Blue Planet » d’Alastair Fothergill avec Richard Attenborough comme narrateur).

Pour les capteurs d’images que sont Piantanida et Ragobert elle est blanche, immaculée comme la banquise qu’ils nous invitent à visiter en compagnie d’animaux dont l’adéquation intelligente à l’environnement et la beauté mouvementée donnent un avant goût de cette empathie avec l’univers touchée du doigt par Balzac dans sa courte nouvelle « Une passion dans le désert » et qui lui fait assimiler le Paradis à un endroit dans lequel il n’y aurait pas d’hommes.

Les lignes de force des réalisateurs se dessinent lentement au fil de ces magnifiques images : le moins de dramaturgie anthropomorphique possible (on est loin de « La marche de l’empereur » de Luc Jacquet) et le maximum de respect dans la façon de saisir le déroulement sur 4 saisons de la faune arctique.

Les esprits cartésiens déploreront peut-être une absence de fil conducteur alors que c’est justement cette carence voulue qui donne au film son naturel et une spontanéité qui ne fait pas faire oublier les longues heures de patiente observation, dans un environnement difficile et parfois hostile, avant de cueillir la scène qui fera sens.

Des séquences vous vont droit aux pupilles : les rennes piqués par les moustiques, la ruée des caribous vers l’Océan, la chasse à l’œuf de guillemot par le renard blanc…

Le commentaire de cet opéra sauvage est dit par Jean-Louis Etienne, cet éminent spécialiste de la banquise, avec une sobriété qui ne déconcentre pas de la majesté du spectacle visuel.

Les réalisateurs ne prennent pas le spectateur pour un idiot.
Ils savent qu’il sait que la survie de cette partie du monde - communément décrite comme le plus parlant « témoin d’usure » de la planète Terre - est menacée et dès lors ils n’éprouvent pas le besoin d’alourdir le film d’un message alarmiste souvent ressenti comme didactique et moralisateur.

Cette promenade bio-géographique débouche, par éclairs, sur des sensations de bonheur qui donnent envie de voir la nature avec un regard plus vaste, plus révérencieux.

Sans avoir l’air de rien, Piantanida et Ragobert réussissent à réconcilier visions cosmologiques et poétiques du monde. Et çà ce n’est pas rien (m.c.a)