Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes, Jan Cornet
Une femme (Elena Anaya), prisonnière d’une luxueuse villa, vêtue d’un body mettant en valeur sa féminité ; un homme, chirurgien esthétique (un Antonio Banderas à glacer le sang), qui l’épie depuis sa chambre : telle est la prémisse du dernier film d’Almodóvar, La Piel que habito . Mais, ce geôlier surveille-t-il à travers une vitre ou un écran ? Observe-t-il la femme ou la représentation de la femme ?
Almodóvar propose un questionnement sur les apparences, sur l’image et son statut ambivalent. Chaque détail du film contribue à la mise à mal du pouvoir de véracité de l’image : le montage qui favorise souvent l’objet à l’humain, le décor qui mélange art réaliste et abstrait, les déguisements, le scénario rocambolesque basé sur la confusion des identités. La protagoniste se nomme Vera, mais est-elle vraie ? Rien n’est moins sûr, même la peau qu’elle habite n’est qu’illusion.
Scénario alambiqué, thèmes osés, humour grinçant, références cinéphiles, importance de la musique, travail minutieux de l’esthétique visuelle (le jeu des couleurs, le cadrage), Almodóvar reste fidèle à lui-même tout en tournant une nouvelle page de son histoire : La Piel que habito est un thriller mélodramatique de science-fiction aux airs de film d’horreur ( via des références à l’expressionisme (*) et au cinéma muet : des « cartons », le jeu d’acteurs, les gros plans, …).
Le concept est passionnant, les acteurs excellents et le film, malgré une apparente complexité, d’une cohérence incroyable. On regrettera peut-être un scénario un peu (trop) sordide et tarabiscoté (peut-on cependant exiger de la sobriété de la part d’Almodóvar ?).
Le fan du réalisateur risque d’être un peu surpris, le cinéphile devrait apprécier l’expérience, le simple curieux finira perplexe. Chacun sortira sans doute de la salle la tête pleine d’images marquantes et indéfinissables.
Aurélie Waeterinckx
(*) Almodóvar cite les premiers films de Fritz Lang (réalisateur de M le Maudit , Metropolis , etc.) comme références esthétiques principales dans une interview accordée à Gegorio Belinchón du quotidien espagnol El País ( Article : La crítica extranjera aplaude ’La piel que habito’ , 19/05/2011)