Drame social
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LA MER A BOIRE

Jacques Maillot (France 2011)

Maud Wylern Carole Frank, Xenia Buravsky, Daniel Auteuil

29 février 2012
LA MER A BOIRE

D’emblée et tout net, disons-le, les 30 premières minutes du film sont d’une tenue dont la qualité incite à pardonner l’inutilité de ses sous-intrigues amoureuses, l’invraisemblance d’un épisode moscovite et le grotesque inattendu de sa dernière séquence.

Le titre à lui seul prépare le spectateur à un espace, celui de la Méditerranée et à une aspérité. Une difficulté, absente de la locution lorsqu’elle est employée dans sa forme négative habituelle « ce n’est pas la mer à boire ».

Le patron d’un chantier naval en difficulté parviendra-t-il à maintenir son entreprise à flot ?

Film à la fois d’insertion et de rupture, « La mer … » est habité par un Daniel Auteuil dont on avait oublié qu’il pouvait avoir un jeu aussi ramassé et efficace. Collant au plus près à son rôle de patron totalement impliqué dans la recherche de solutions pour éviter la liquidation de sa société et dès lors le licenciement de son personnel.

Auquel l’unissent des liens de responsabilité, de considération et de solidarité.

Film d’insertion puisque « La mer… », comme d’autres avant lui (**), porte sur la crise économique que nous traversons un regard lucide mais aussi film de rupture parce que cette fois les problèmes et notamment les conséquences du surendettement ne sont plus observées du côté des ouvriers mais du côté de l’employeur.

L’image donnée de celui-ci (**) n’a plus rien à voir avec ce qu’elle a été longtemps. Celle d’un dirigeant arnaqueur et exploiteur (« Le crime de Monsieur Lange » de Jean Renoir) avant de devenir celle d’un entrepreneur dynamique et en proie à des états d’âme comme dans les films de Claude Sautet « François, Vincent et les autres », « Mado ».

Ce qui importe dans « La mer… » ce sont autant les dialogues (justes et efficaces) entre monde patronal et monde syndical que les silences dans lesquels on peut entendre se développer les pensées d’un chef d’entreprise confronté à des banques qui semblent avoir perdu de vue qu’elles sont là pour aider leurs clients en difficultés et non pour céder à la tentation d’une cupidité sans fin.

Avec ce film, le cinéaste déborde le cadre intimiste de ses œuvres précédentes, « Nos vies heureuses », « Les liens du sang », pour nous proposer un miroir plus sociologique sur une réalité qui laisse peu de place à l’espoir.

A moins de mettre celui-ci dans un dernier plan, qui rappelle par son ambiguïté lyrique celle de « Les géants » de Bouli Lanners. Les personnages ont largué les amarres.

Jusqu’où les portera leur envie de prendre le large ? (mca)

 (*) « Toutes nos envies » de Philippe Lioret, « Une vie meilleure » de Cédric Kahn, « Dans la tourmente » de Christophe Ruggia

(**) « Les patrons dans le cinéma français – où sont les « salauds » d’antan » in le Monde Diplomatique d’avril 2001