Tilda Swinton, Julianne Moore, John Turturro
Une librairie à New York : Ingrid (Julianne Moore), romancière à succès, signe son dernier roman « On sudden deaths » quand une connaissance lui apprend que sa grande amie d’enfance et de jeunesse, Martha (Tilda Swinton), grand reporter de guerre, qu’elle n’a pas revue depuis longtemps, se meurt d’un cancer en phase terminale.
Ingrid accourt au chevet de Martha à l’hôpital et les deux amies renouent les liens très forts qui les unissaient, se plongeant dans leur passé, échangeant des souvenirs. Et un jour Martha demande à Ingrid de l’accompagner dans une maison où elle mettra fin à ses jours. Ingrid est paniquée par l’idée de mort. Comme l’est Almodovar, réalisateur quand il affirme « Je me sens très proche du personnage de Julianne (Moore), je ne peux pas admettre que quelque chose qui est vivant doive mourir. La mort est partout mais c’est quelque chose que je n’ai jamais compris. J’ai 74 ans. Chaque jour que je passe est un jour en moins qu’il me reste". Mais Martha, par amitié, accepte.
Commence alors, dans une maison moderniste nichée dans les bois, une vie « nouvelle » pour ces deux femmes qui savent toutes les deux que l’une va partir, au moment où elle aura décidé de laisser fermée la porte de sa chambre. Deux femmes qui ayant côtoyé la mort dans leur vie ou leur travail, choisissent de s’y préparer ensemble. L’attente de ce moment est là, palpable.
Cette attente, rythmée cependant par les petits actes de tous les jours, permet à Martha de « repasser sa vie tel un film » en analysant les raisons de sa solitude, les relations « ratées « avec sa fille, marquées par des rancœurs anciennes, des manquements, des silences, des incompréhensions. Beaucoup de regrets sur ce qu’elle aurait dû faire, dire, comprendre.
La couleur est au centre du film : toujours le rouge sang qui vient, sur les lèvres de Martha, colorer son visage émacié ; le rouge encore, plus sombre, de la porte de la chambre de Martha. Et puis le jaune lumineux de la veste qu’elle revêt pour s’allonger sur le lit et prendre sa médication. Mais aussi des camaïeux de vert et bleu ou des contrastes d’orange et vert de la terrasse où elles se réfugient pour se raconter, « clin d’œil » aux toiles de Hooper. La beauté aussi est au centre du film, celle de personnages, des costumes, chaque femme étant comme un tableau.
L’euthanasie et le suicide assisté sont des thèmes récurrents dans le cinéma contemporain : « De son vivant » d’ Emmanuel Bercot, « Tout s’est bien passé » de François Ozon (2020). Almodovar aborde ce thème avec une grande justesse, sans jamais tomber dans le mélodrame. Bien au contraire, le miracle de ce film est que sur un sujet si grave, celui de notre mort, que nous passons notre temps à éviter et repousser, Almodovar, avec retenue et naturel, nous procure l’apaisement.
France Soubeyran
Le film a obtenu le Lion d’Or à la Mostra de Venise 2024