Danielle Darrieux, Chiara Mastroianni, Laura Smet, François Morel, Melvyl Poupaud
L’heure zéro est le moment où les événements prennent dramatiquement sens. Le dernier film de Pascal Thomas est un malicieux mélange d’invraisemblance - qui a dit « Pourquoi écrire des romans ou faire des films s’ils devaient être réalistes ? » -, de désuétude et de charme.
Il a, du roman d’Agatha Christie dont il s’inspire, capté l’atmosphère délétère qui cache sous des apparences policées et bourgeoises bien des tourments et ambiguïtés.
Camila Tressillan, une riche veuve, réunit dans son somptueux manoir breton son neveu et ses épouses actuelle et ancienne. Autour de ce quatuor de base, virevolte tout un petit monde amical et domestique. Le jour où Camila est trouvée assassinée dans son lit, le commissaire Bataille entre en lice.
Commence alors un jeu de fausses pistes, d’alibis bidon, et de chausse-trapes qui donnent au genre du polar étiqueté whodunit (qui a commis le crime ?) sa saveur et sa réconfortante stratégie.
En effet ici point de violence ou de tension excessive, juste une reconstitution patiente des mobiles qui ont mécanisé le meurtrier. Point d’angoisse puisque le spectateur sait que la résolution de l’intrigue ne fait pas l’ombre d’un doute et que la solution trouvée sera le résultat d’un mécanisme élaboré de réflexion de type hypothético-déductif et non d’une réponse arrachée sous la contrainte.
Pascal Thomas réussit le défi (et c’est un exploit) de traduire en français tout ce qui rend si particulier le monde de la plus célèbre romancière anglaise : les décors cossus, les vies faciles, les rebondissements en cascade et la multiplicité des suspects.
En cela sa réalisation peut rivaliser, tout en gardant sa frenchy touch, avec la série télévisée des « Hercule Poirot » ou des « Miss Marple ».
Si « L’heure… » séduit, ce n’est pas par l’originalité de son intrigue, la tonicité de sa mise en scène ou la subtilité de ses acteurs dont certains, Laura Smet et Melvin Poupaud en tête, ont choisi avec une farfelue allégresse la voie de l’outrance. Redonnant ainsi à l’expression « faire son cinéma » une réjouissante épaisseur.
Si « L’heure … » séduit c’est parce que la photo y est magnifique, le montage intelligent, François Morel formidable et que l’ambiance luxueuse et argentée fait rêver. On s’y verrait bien dans cette demeure des Côtes d’Armor…
Il y a un côté grandes vacances dans cette deuxième rencontre - la première étant « Mon petit doigt m’a dit » avec les délicieux Azéma et Dussolier - entre le savoir faire du réalisateur et l’imaginaire christie-ien. L’un et l’autre étant à l’aise dans l’art d’effleurer, avec des doigts ailés et sans s’y appesantir, la noirceur de l’âme humaine.
Aisance qui, par capillarité, se transmet au spectateur qui, complice consentant, se laisse prendre aux rets de cette histoire biscornue et sans illusion sur le cœur des hommes, la vénalité des (jeunes) femmes et l’acariâtreté des (vieilles) dames.
Il est des moments où une « heure zéro » peut se révéler bien plaisamment remplie. (m.c.a)