A méditer
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L’APOLLONIDE

Bertrand Bonello (France 2011)

Noémie Lvovsky, Adèle Haenel, Hafzia Herzi, Jasmine Trinca, Céline Salette

122 min.
21 septembre 2011
L'APOLLONIDE

En 1881, Guy de Maupassant écrit « La maison Tellier ». Nouvelle dans laquelle avec les mots d’un peintre il raconte le vivant quotidien d’une maison close tenue par une patronne qui aime autant ses filles que ses clients.

En 2011 Bertrand Bonello choisit de nous raconter la routine d’un bordel parisien au tout début du XXème siècle, mais à la palette ensoleillée de Maupassant, il préfère celle plus secrète d’un Courbet.

Soulignant ainsi combien le regard du créateur, qu’il soit écrivain ou cinéaste, est maître du rayonnement ou du spleen qui émane d’une œuvre.

Chez Maupassant (mis en scène avec un intelligent enthousiasme par Max Ophüls dans « Le plaisir ») le lieu n’est pas clos, il est ouvert sur l’extérieur et notamment sur la campagne que les héroïnes vont devoir traverser, par un beau jour de printemps, pour se rendre à la première communion de la nièce de Madame Tellier.

Chez Bonello la maison est essentiellement confinée aux décors d’un salon fin de siècle dans lequel les filles attendent d’être choisies avant de le quitter par de longs couloirs à la couleur éloquemment cramoisie.

Attente faite de langueur, de morosité, de résignation feutrée. Attente mélancolique sur laquelle se concentre une caméra dont la focale ne se soucie que de tendresse posée sur des corps scrutés non comme des marchandises mais comme des biens précieux qui doivent être lavés, oints, soignés.

Pour retenir l’attention d’une clientèle riche mais qui se fait de plus en plus rare - parmi celle-ci un Jacques Nolot toujours sur le fil du rasoir entre distance à fleur de peau et soft dépression.

Ici point de joie, d’allant ou d’élan.

Juste une chagrine douleur - sœur de celle du « Pornographe » du même Bonello - dont la constance finit par devenir une sorte de sourde violence, un sournois mal-être qui accompagnent les infinies possibilités pour « un mâle friqué » d’ imposer des désirs et caprices qui dépendent souvent moins d’une énergie sexuelle naturelle que de cruauté, maladies ou addictions diverses - le mystère de la chambre 2806 du Sofitel à New-York permet de se poser la question de savoir si depuis lors la situation a tellement changé ?

Malgré la beauté et la sensualité des actrices, « L’Appolonide… » est un film qui suinte la tristesse, l’ennui et la mort.

Parce qu’il est à recherche de sensations qui semblent à tout jamais inaccessibles et hors de portée même des portefeuilles les plus généreux : la jouissance consentie.

Il y a des réminiscences proustiennes et viscontiennes dans ce film qui donnent envie de pleurer devant l’inexorable fuite du temps qui transforme ce qu’il touche en ruines à venir.

Devant l’insondable énigme de l’homme qui choisit de défigurer d’un coup de couteau le visage de celle qu’il désire. (mca)