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KOLLEKTIVET

Thomas Vinterberg

Trine Dyrholm, Ulrich Thomsen, Helene Reingaard Neumann, Martha Sofie Wallstrøm Hansen, Lars Ranthe

111 min.
13 avril 2016
KOLLEKTIVET

Le réalisateur danois Thomas Vinterberg, co-fondateur du mouvement Dogma, revient dans Kollektivet à l’exploration des rapports de groupe comme il l’avait déjà fait dans Festen mais, cette fois, c’est principalement l’impermanence des relations humaines et de la vie en général que le réalisateur met en scène au travers d’une galerie de personnages hauts en couleur. « On tombe amoureux, on s’aime, on fait des enfants, on se sépare, les enfants grandissent, et au bout du chemin, il y a inévitablement la mort », soulignait le cinéaste en conférence de presse lors de la 66ème Berlinale. Rien d’étonnant dans cette perspective à ce que le film s’ouvre et se referme sur un hit des années 70 de Benny Holst, soulignant la brièveté de l’existence. « Nous n’avons qu’une journée à vivre ça passe très vite », nous rappelle-t-il avec mélancolie.

Au centre de la communauté, il y a un couple : Eric (Ulrich Thomsen), architecte, de nature plutôt réaliste et conservatrice, au tempérament colérique, et Anna (Trine Dyrholm), son épouse, journaliste, qui aspire à insuffler du mouvement et de l’inattendu dans leur train-train quotidien. « Tu te répètes, et à la longue, tu risques de m’ennuyer ! », avance Anna avec une légèreté aussi cynique que naïve.

C’est donc sous son impulsion et celle de leur fille, Freja, qu’Eric accepte d’ouvrir à une douzaine de colocataires l’immense maison qu’il vient d’hériter de son père défunt. Mais l’idéal de partage d’Anna, sa joyeuse générosité, sa volonté du vivre-ensemble, sa capacité d’ouverture et de tolérance propres à l’époque des seventies ne constituent-ils pas un piège à l’équilibre de son couple et de sa vie personnelle en tant que femme d’âge mûr ? La vie en communauté est certes synonyme de partage et de gaieté mais elle n’exclut guère les moments de profonde solitude. Et qu’est-il de pire que de se sentir seul lorsque l’on est pourtant pleinement entouré ? En resserrant son angle de vue sur le couple que forment Eric et Anna, le cinéaste s’immisce dans l’intimité d’une relation amoureuse où l’invasion de l’altérité creuse progressivement le sillon de la distance. Une distance dont Anna semble n’avoir pas conscience mais qui sera lourde de conséquences sur son couple. Chacun à leur façon, ils éprouveront le sentiment de ne plus être chez eux au cœur de leur propre maison mais leur manière d’y répondre et d’y faire face prendra des tournures bien différentes.

Pour réaliser ce film, Vinterberg s’est largement inspiré de son expérience personnelle puisqu’enfant, il a vécu avec ses parents au sein d’une communauté. Une période de sa vie qu’il évoque avec beaucoup de bonheur, voire avec une certaine nostalgie, eu égard aux valeurs partagées en groupe mais pour autant, le réalisateur ne se départit guère de son réalisme percutant quant à la nature humaine. L’humour est donc, comme souvent chez le cinéaste danois, très incisif.

Kollektivet est sans doute l’un des meilleurs films en compétition qu’il nous ait été donné de voir lors de la 66ème Berlinale. Vinterberg n’a pas son pareil pour investiguer la dynamique de groupe, façonner et mettre en scène une ribambelle d’individus aux tempéraments très contrastés. Sa maîtrise des dialogues qui alternent légèreté et densité, drôlerie et gravité, fait indiscutablement mouche, et les choix musicaux opérés, loin des stéréotypes, contribuent à capter toute l’atmosphère d’une époque.

Enfin, en confiant à son interprète principale une partition complexe, le réalisateur confirme son excellence dans la direction de ses acteurs. Trine Dyrholm, qui a remporté l’Ours d’Argent de la meilleure actrice, est absolument ébouriffante ; la vérité, la justesse et la générosité avec laquelle elle incarne le rôle d’Anna méritaient à juste titre d’être récompensées.

( Christie Huysmans )