Christian Bale, Natalie Portman, Cate Blanchett
Si certains cinéphiles avertis avaient déjà éprouvé quelques difficultés à apprécier The Tree of Life et To the Wonder , ils auront d’autant plus de mal à adhérer à Knight of Cups , le dernier film de Terrence Malick. Car, il faut en convenir avec regret, même les fans les plus inconditionnels du réalisateur risquent d’être déçus. Si ses deux précédents films suscitaient déjà un questionnement spirituel voire spiritualiste et pouvaient en laisser certains interdits, le creuset intellectuel qu’ils offraient ainsi que l’approche esthétique qu’ils déployaient, avaient largement de quoi séduire.
Dans Knight of Cups , l’exercice de séduction s’avère beaucoup plus périlleux tant le virage ésotérique opéré par Malick semble l’éloigner du commun des mortels. Certes, les glissements de caméra dont le réalisateur peut se prévaloir sont toujours admirablement maîtrisés et sa symphonie d’images est toujours orchestrée avec maestria mais la dislocation existentielle des personnages est devenue telle que seuls quelques rares élus, férus de cartomancie, seront aptes à suivre leurs monologues intérieurs dans le labyrinthe de l’Espace et la vacuité du Temps.
Suivant pas à pas les pensées et les réminiscences (principalement amoureuses) de Rick (Christian Bale) à la manière d’un James Joyce en déroute, Knight of Cups nous entraîne dans l’Odyssée d’un homme tourmenté qui, après avoir été l’esclave du système Hollywoodien et dépendant du succès, est frappé par le vide de son existence et tâche désespérément de retrouver sens et authenticité. Structurellement découpé selon la symbolique prophétique de certaines cartes du tarot, Knight of Cups tente, semble-t-il, à travers un héros perdu dans l’immensité du monde, de rassembler les pièces éparses d’un puzzle existentiel ; un acte qui viserait à échapper à une certaine forme de damnation.
L’approche narrative pour laquelle opte Malick, est comparable à celle du nouveau roman en littérature et laisse ainsi l’amère impression que le réalisateur s’est laissé aller à une divagation solitaire, purement masturbatoire et pseudo-philosophique. Semblant faire fi de la dimension dialogique du cinéma, il abandonne la majorité des spectateurs à l’incompréhension et convoque à reculons quelques démiurges isolés, susceptibles d’adhérer à une réflexion qui se veut prétentieusement impénétrable, voire inaccessible. À la question d’Emmanuel Kant : « Penserions-nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d’autres. », Malick répond par la négative en hissant sur un piédestal un « je » égotiste et narcissique qui, pour seul éclairage, se satisfait de l’ombre d’une pensée aussi nébuleuse que recroquevillée sur elle-même.
Certes, il faut parfois traverser l’obscurité de la nuit pour poser un regard neuf sur la lumière de l’aube mais Malick nous le dévoile d’une manière bien trop absconse.
( Christie Huysmans )