Ulrich Thomsen, Mikael Persbrandt, Trine Dyrholm, William Nelsen, Markus Rygaard
“ In a better world”, alors qu’on attendait a better film.
Habituée aux interrogations morales d’une cinéaste qui, de film en film, déploie curiosité et finesse pour capter la part de mystère et de tourments qui habitent ses personnages, on espérait autre chose qu’un entrelacs d’histoires (*) dont la profondeur de champ, entravée par le choc anaphylactique d’une insupportable mélodramatisation qui se solde par un hollywoodien happy end, échoue à conférer force et crédibilité à la ligne de force qui sous-tend l’œuvre.
Y a-t-il un moyen, autre que la vengeance - "Revenge" était le titre initialement choisi pour traduire celui original de la dernière réalisation de Susanne Bier « Haeven » -, le "tendre l’autre joue" ou le "je m’en lave les mains" à la Ponce Pilate pour affronter la violence de la nature humaine et le chaos qui en en découle ?
On aurait aimé être interpelé par les sujets sensibles (le harcèlement en milieu scolaire , la vie quotidienne dans les camps de réfugiés en Afrique, les difficultés familiales, le poids de l’absence, l’isolement de l’étranger …) abordés par « In a better … », on n’est qu’assommé par leur illustration.
Qui oscille entre une hyper démonstration comme si le spectateur était incapable d’avoir sa propre opinion mais devait être conduit là où le souhaite l’arbitraire de la réalisatrice (**) et une esthétisation racoleuse qui refroidit l’âme - on a envie de crier stop face à ces scènes de couchers de soleil ou de campagne danoise idyllique.
Grossiers (pour certains poétiques !) interludes censés rappeler qu’il ne faut pas confondre beauté du Monde et malfaisance véhiculée par l’homme.
Que dire de la systématisation abusive de la symétrie qui met face à face 2 enfants, 2 pays, 2 façons d’être et de réagir, 2 familles, 2 chagrins … si ce n’est qu’elle peut aboutir à l’effet inverse de celui recherché : diluer voire rendre suspect l’intérêt qu’elle souhaite susciter.
Si l’on est insensible à l’esprit didactico-démonstratif de « A better … », à son jeu d’acteurs trop caricaturés pour être vraiment incarnés, à son ambiance luthérienne (***), à son envahissement sonore sursaturant, « In a … » fait penser à un des possibles détournements du slogan de la radio Pure FM « Good music makes good people ».
Too much music creates bad mood. And bad mood makes discontent spectator.
Tout ceci n’a nullement empêché (peut-être même a encouragé) l’AMPAS - l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences - de décerner à "In a better..." l’Oscar 2011 du meilleur film étranger. (mca)
(*) Un adolescent choisi comme tête de Turc par ses condisciples rencontre un nouvel élève qui décide de prendre sa défense. Tous les deux ont avec leur père (donc avec l’autorité ?) des relations distendues.
(**) Cette infantilisation désamorce toute comparaison avec la perversion des enfants du "Das weisse band" de Michael Haneke,puisque justement l’éthique de ce dernier est de laisser au spectateur sa part d’interactivité. De faire de lui un réel partenaire et pas un complice obligé du point de vue choisi par le cinéaste.
(***) ce n’est pas la première fois que j’ai l’impression que les films de Susanne Bier s’inscrivent dans un cadre biblique - la parabole du paralytique dans « Open hearts », celle du bon samaritain dans « After the wedding » ou dans le choix de thèmes catéchétiques : la culpabilité dans « Brothers », la charité dans « Things we lost in the fire ». Cadre qui pourtant a peu à voir avec celui, exigeant et singulièrement puissant de Kielowski dans son « Décalogue ».