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IL REGISTA DI MATRIMONI

Marco Bellochio (Italie 2006 - distributeur : Ecran Total)

Sergio Castellito, Samy Frey, Donatella Finocchiaro

100 min.
22 août 2007
IL REGISTA DI MATRIMONI

Faire du neuf avec du vieux, est-ce possible ?

Alessandro Manzoni écrit entre 1821 et 1827, une fresque historique, « Les fiancés, chronique milanaise du XVIIème siècle » - prétexte pour tirer, d’une relation amoureuse contrariée, un enseignement essentiellement moral et idéologique..

En 2006 un metteur en scène, Franco Elica, prépare une adaptation pour le cinéma des « Fiancés ». Perturbé dans son travail par le mariage de sa fille avec un catholique extrémiste et par la plainte d’une actrice qu’il aurait violentée, Elica décide de prendre du recul.

Il part en Sicile, pas très loin du beau village de Cefalu cher à Lawrence Durell, et se voit proposer de mettre en scène le mariage de la fille d’un noble local. Enigmatique et silencieux Samy Frey qui donne de la Sicile actuelle une image vaguement angoissante et glacée bien loin des tourments et questionnements du Prince de Salina, le majestueux « Guépard » de Lampedusa / Visconti.

Peu habitué aux œuvres de commande et à leur scénographie forfaitaire, Elica s’embourbe.
A la fois dans un dédale romanesque - il tombe amoureux de la fiancée et souhaite la soustraire à ce mariage qu’elle n’a pas désiré - et dans un labyrinthe mental dans lequel il s’égare avec une irascible jouissance. Trouvant ainsi le courage de bousculer les assises d’une société amidonnée par les convenances.

Bourgeoisie, hypocrisie, mensonge, sacrement matrimonial, institution politique, peu échappe à son œil fatigué et lucide.

Sergio Castellito est un fulgurant Elica. En équilibre instable entre évidence et rêves, il compose son personnage avec une distante application. Saisi par l’envie d’être du monde, il n’a néanmoins pas l’envie de sacrifier sa singularité à ses lois et obligations sclérosées.

Si, en tant qu’artiste « il voit ce que le commun des mortels ne voit pas », en tant que citoyen, cette sensibilité le fait souffrir parce qu’elle éclaire son regard sur l’Italie d’une sombre lumière. Celle d’un pays enlisé dans une non-évolution sociale, une emprise religieuse et une régression de la condition de la femme que l’on enferme au couvent si elle ne se conforme pas à la loi du père.

Le cinéma de Bellochio reste (*) celui de l’insoumission, celui de la remise en cause des symboles qui écrasent la liberté individuelle. Métaphorisée par cet arrachage du voile de la mariée par volonté de déciller l’attention sur l’épaisseur des illusions qui l’éloigne de la réalité.

Film déconcertant, parfois absurde, « Il regista… » flirte avec l’irrationnel et le lyrique.
Culturel, il rend hommage à la littérature (Manzoni), à la musique (Erik Satie), à la peinture (Magritte, Duchamp), à l’architecture (les palais siciliens) et à certains réalisateurs (Visconti, Antonioni...).

Critique, il a la dent dure contre le cinéma auquel il reproche, alors qu’il en propose une brillante maîtrise technique, ses conformismes (**) et artificialité symbolisées par un cinéaste qui, pour obtenir la renommée, choisit de se faire passer pour mort. (m.c.a)

(*) « Au nom du père », « Poings dans les poches » et plus récemment « Le sourire de ma mère »
(**) le metteur en scène devrait récréer ce qu’il capte du réel selon son propre langage et non en s’inspirant des procédés des anciens (« Ce sont les morts qui gouvernent »)