Comedie satirique
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I SERVED THE KING OF ENGLAND

Jiri Menzel (Tchéquie 2007 - distributeur : Brunbro)

Ivan Barnev, Oldrich Kaiser, Julia Jentsch

120 min.
5 mars 2008
I SERVED THE KING OF ENGLAND

Il y a des films dont on reste en lisière, alors qu’ils ne sont pas moins bons que d’autres et même meilleurs que bon nombre de ceux qui fleurissent sur les flancs des bus et trams.

Ce qui prouve que le cinéma est et reste par excellence une affaire personnelle, un lien d’ordre presque intime qui se noue entre un écran et un spectateur qui va y projeter son « propre » cinéma.

Ce n’est que si les deux se rencontrent que l’accroche se fait et que les étoiles - en l’occurrence chez CinéFemme les caméras - pleuvent.

Adapté d’un roman de Bohumil Hrabal, cet écrivain populaire tchèque qui connut après l’invasion soviétique de son pays durant l’été 1968 des problèmes de censure (*), « I served … » raconte les aventures picaresques d’un jeune homme, Dite, qui veut devenir millionnaire.

Ayant parfaitement compris que la réussite tient à trois choses - être au bon endroit au bon moment, saisir les opportunités quand elles sont à portée de mains et en toute circonstance garder un air d’impassible servilité - il va connaître un parcours édifiant. Qui lui permettra de toujours retomber sur ses pattes avec l’élasticité d’un de ses frères en burlesquerie : le brave soldat Chvéïck.

Et qui le verra errer d’un modeste café de Prague aux hôtels de luxe fréquentés par la riche bourgeoisie des Années Folles - celle qui dansait avec insouciance sans se rendre compte qu’au dessus de sa tête la Mort croisait déjà les doigts (**) - pour terminer dans un centre de procréation assistée de la nouvelle race aryenne avant de connaître, pour collaboration avec l’ennemi SS, un long séjour en prison.

A la sortie de laquelle, le film commence - comme dans le « Berlin Alexanderplatz » de Fassbinder - pour se raconter au travers de retours vers le passé qui feront la part belle au goût du réalisateur pour les gags visuels mêlant amertume et ridicule.

« I served.. » se veut une farce grotesque et satirique, un regard empreint d’ironie et d’humour noir sur les hoquets du monde et de l’Histoire, celle de la Tchécoslovaquie des années 1920 à la Seconde Guerre mondiale et aux années communistes qui les ont suivie.

Malgré les intentions manifestes du réalisateur d’épigrammer la nature humaine, comme il l’avait fait de la guerre vue d’un quai de gare dans l’œuvre qui le fit connaître en 1966 « Closely watched trains », et peut-être parce que celles-ci sont trop transparentes, « I served… » ne séduit pas totalement mais suscite vite l’ennui.

Un ennui léger d’abord, plus tenace ensuite lorsque voulant se démarquer d’un pessisme ambiant, le cinéaste tire sa révérence sur une fin qui se veut méditative et philosophique d’un parcours de vie mené au gré de l’intérêt du personnage principal, dans son âge tendre, pour l’irresponsabilité et le beau sexe.

Intérêt que le réalisateur, avec une verdeur qui fait penser à celle d’Alain Robbe-Grillet, décline
avec une grâce un peu vieux jeu qui allège le côté monotone d’une mise en scène roide comme les impeccables chemises blanches et vestes de serveur portées par Dite.

En fait des Dite parce qu’ils sont deux à incarner la jeunesse et la maturité du personnage.

Le premier dont le jeu empruntant sans vergogne au registre comique de Charlot et pince sans rire de Buster Keaton finit par agacer. Surtout si au lieu de trouver narquoise sa façon obséquieuse ou décalée d’aborder les péripéties de son existence et les rencontres qu’elles amènent, on la trouve sotte et niaise.

Et le second très convenu dans sa recherche d’une réconciliation avec lui-même et d’une vie plus apaisée.

La bonne idée du film - même dans ceux qu’on n’apprécie pas il y en a toujours une - est de faire jouer par l’excellente Julia Jentsch le rôle d’une partisane nazie, elle qui fut dans « Sophie Scholl- die letzten Tage » une résistante à Hitler.

Ce choix donne à « I served… » une couleur anticonformiste qui réveille la conscience politique qui sommeillait dans le roman de Bohumil Hrabal. (m.c.a)

 
(*) Le contraignant à publier par la voie de l’édition clandestine et contestataire - le samizdat - le livre dont est tiré le présent film.
(**) Joseph Roth "La crypte des capucins" edité en poche Points