Micheline Presle, Maria de Medeiros, Nathalie Baye, Edouard Baer, Dominique Besnehard, Maria Bérenson ...
La belgitude de Sojcher.
On l’aime pour sa folie douce, son intelligence surréaliste et sa singularité qui fait qu’avec lui jamais le mur ne pourra se confondre avec le papier peint.
Non seulement son cinéma est amusant (il joue du poil à gratter comme les enfants des confettis en période de carnaval) charmant, léger, désarçonnant mais il est aussi militant.
Avec Sojcher le cinéma européen et indépendant a peu de souci à se faire. Il sera toujours là pour le défendre et en porter haut les couleurs.
Après « Cinéastes à tout prix », attachante et jubilatoire curiosité consacrée à trois des plus mystérieux réalisateurs en Belgique francophone, Jacques Hardy, Max Naveaux, Jean-Jacques Rousseau (*), le voici dans « Hitler à … » transformé en Don Quichotte têtu et astucieux.
Déterminé, sous les traits de la délicieuse (et tout aussi méticuleusement déjantée) Maria de Medeiros (**), à retrouver un film « Je ne vous aime pas » (***) tourné en 1939 par Micheline Presle (qui renouvelle avec bonheur le sens du mot fraîcheur) et réalisé par un cinéaste, Luis Aramcheck, qui aurait mystérieusement disparu 7 ans plus tard.
Pour avoir, dans une œuvre qui donne son titre au film de Sojcher - mise en abyme aussi énigmatique que symbolique -, porté griffure à la mise en place d’un cinéma hollywoodien tout puissant.
Jeu de piste qui, entre road-movie, thriller, parodie, comédie romantique, nous propose par l’intermédiaire d’une hardiesse narrative qui enchantera ceux qui ne font pas de la raison leur seul crédo, une réflexion sur les liens entre les pouvoirs imaginaires et commerciaux du 7ème art.
Bonimenteur et charmeur, Sojcher dans ce vrai-faux-documentaire (****) filmé pour un euro six cents à partir d’un appareil photo qui fait aussi caméra se paie le luxe de nous offrir une manne d’idées déclinées avec un sens du rythme, des contrastes chromatiques et un humour élégant qui enchantent et fédèrent.
A l’appui de sa thèse, c’est le moment de se souvenir que le cinéaste est aussi professeur à la Sorbonne, il convoque l’Histoire (Lénine, le plan Marshal dont une des conditions d’accès était d’ouvrir les écrans européens aux réalisations américaines), ceux qui la transmettent (Marc Ferro) et ceux qui sont en train de l’inscrire sur pellicule (Emir Kusturica, Wim Wenders, Théo Angelopoulos, Volker Schlöndorff…)
« Hitler à Hollywood » est une jolie revisitation du cinéma européen et de ce qui en fait la particularité à travers la filmographie de Micheline Presle à laquelle est rendu un bel et mérité hommage que ne désavouerait pas Gilles Jacob qui voit en elle « la plus belle femme du Monde ».
Il est aussi une digue contre la déferlante du cinéma US lorsqu’il est à la fois véhicule de propagande et machine de guerre économique cyniquement défendue par le Président Roosevelt « Envoyez les films américains, les produits suivront ».
Regard ironique de Sojcher qui jumelle celui du cinéaste franc-tireur Monte Hellman, qui pour son retour au 7ème art après 20 ans de silence, dans son "Road to nowhere" banderille les comportements qui ont amené Hollywood aux vénéneuses gloire et fortune que l’on connaît.
Comme un scout toujours prompt à faire sa BA, un Rouletabille en quête d’intrigue à résoudre, Frédéric S. nous invite à ne pas abandonner le combat pour la préservation de toute identité. Culturelle ou individuelle.
Pour que le cinéma n’ait plus de mouron à se faire et garde son potentiel de marginalité féconde ne le laissons pas être le seul Jean Moulin de la planète inventée par les frères Lumière.
Rejoignons-le dans son combat lorsqu’il nous demande à nous spectateurs d’être à ses côtés.
Et de continuer la bataille. (mca)
(*) auquel la Médiathèque de Charleroi vient de consacrer un chaleureux focus
(**) non seulement actrice chez Philip Kaufman "Henry & June", Quentin Tarentino " Pulp fiction" ... mais aussi réalisatrice dont le point de vue sur la critique cinéma dans « Je t’aime moi non plus » devrait devenir la Bible de bien des chroniqueurs.
(***) titre inspiré d’une réplique d’un des plus beaux films de l’actrice, le "Diable au corps" de Claude Autant-Lara
(*****) dans lequel il invente l’existence d’un cinéaste comme Peter Jackson l’avait fait avant lui dans son canular ’Forgotten silver"