Joaquin Phoenix, Rooney Mara, Amy Adams, Scarlett Johansson,…
Dans un futur plus ou moins proche, Théodore (Joaquin Phoenix) est un homme seul, dont le travail consiste à écrire pour les autres. Écrire, ou plutôt dicter, des lettres, lettres d’amour, de rupture, d’excuses, d’anniversaire, et autres. Car dans ce futur les claviers n’existent plus et les ordinateurs ne fonctionnent plus que par reconnaissance vocale. En instance de divorce depuis plus d’un an, il se renferme en lui-même, et ne connaît que très peu de vie sociale entre son boulot et sa console de jeu. Ne trouvant plus de satisfaction aux rencontres arrangées, et las de sexe virtuel avec des femmes inconnues, Théodore finit par se créer un avatar, un O.S.* Cet avatar, non incarné, se donne le prénom de Samantha (Scarlett Johansson). Samantha est une voix, n’est qu’une voix, qui s’immisce dans l’oreille et la vie de Théodore au travers de son oreillette. Elle est drôle et intelligente, et Théodore en tombe éperdument amoureux.
Avec ce film, Spike Jonze parvient à mettre en évidence des questions et enjeux éthiques liés aux avancées technologiques. Dans le monde dans lequel nous vivons, l’informatique prend de plus en plus de place et d’ampleur. Nous sommes en permanence hyperconnectés, mais cela n’empêche en rien la solitude de l’homme. Au contraire, cela l’accroît même dans bon nombre de cas. Avant de faire appel à son O.S. Samantha, Théodore est connecté en permanence à d’autres personnes, aussi seules que lui, et ne communiquant qu’au travers d’oreillettes et d’écrans, comme lui. Les rapports humains et charnels sont extrêmement limités et ne mènent finalement qu’à des complications qui sont liées aux envies d’engagement des uns en opposition à celles d’un plaisir immédiat des autres. Suite à son divorce, Théodore ne parvient plus à envisager d’avenir. Et tel est également le cas de sa meilleure amie Amy (Amy Adams), qui se créera également un O.S.
À l’instar du propos mis en scène, les décors également se veulent légèrement futuristes. Le récit se déroule à Los Angeles, mais la plus grande partie du film a été tournée à Shanghai. Les plans sont épurés et géométriques et témoignent d’un véritable désir de modernité. Mais malgré une esthétique clinique, malgré la mise en doute des rapports humains, Spike Jonze parvient à nous émouvoir. Le vide dont Théodore est traversé suite à son divorce, nous touche aussi, et nous fait nous rendre compte de son humanité malgré tout. En réalité, Spike Jonze parvient brillamment à nous faire osciller entre identification et mise à distance avec les personnages. Là où nous ne pouvons concevoir une relation avec un avatar, nous comprenons néanmoins tout à fait son désarroi, sa solitude et son besoin si humain d’être aimé et de partager sa tristesse et son bonheur avec quelqu’un qui le comprenne.
Joaquin Phoenix se montre encore une fois brillant. Et, on n’aurait pu imaginer une voix plus sensuelle que celle de Scarlett Johansson pour donner voix à Samantha. Car même si cet avatar n’est jamais incarné, l’évocation simple de la voix de Scarlett ne peut que rappeler ses rôles antérieurs à la mémoire du spectateur.
Mettant en scène les enjeux actuels de la technologie en offrant au spectateur une histoire d’amour plus que déroutante, Her est un film qui plaît ou ne plaît pas, mais qui néanmoins ne laissera personne indifférent.
( Astrid De Munter )
* O.S. est l’abréviation pour Operating System, qui se traduit en français par Système d’exploitation .