Anas Basbousi, Ismail Adouab, Meriem Nekkach, Nouhaila Arif, Zineb Boujemaa, Abdelilah Basbousi, Mehdi Razzouk, Amina Kannan, Soufiane Belali, Samah Barigou, Marwa Kniniche, Maha Menan
Nabil Ayouch, depuis "Mektoub" en 1997, son premier long-métrage, n’a cessé de dénoncer les blocages de la société marocaine, cadenassée par un régime politique autoritaire, le poids de la tradition et de la religion, écartelée entre les pauvres vivant dans la misère et les riches s’affranchissant de toutes les règles : "Les Chevaux de Dieu" en 2012 sur le parcours de jeunes défavorisés pour accéder au rang de martyrs de Dieu, "Much loved" en 2015 sur la prostitution et l’hypocrisie de la société, "Razzia" en 2018 sur la quête de libertés de catégories opprimées (les femmes, les juifs, les artistes, les homosexuels).
Avec "Haut et fort", Nabil Ayouch donne la parole à la jeunesse à travers l’histoire d’ Anas Basbousi, ancien rappeur, qui est engagé dans un centre culturel d’un quartier populaire de Casablanca, le quartier de Sidi Moumen, tristement connu depuis les attentats du 16 mai 2003, qui ont causé la mort de 41 personnes car la plupart des kamikazes étaient originaires de ce quartier.. Anas décide d’y créer un atelier d’initiation au hip hop et au rap. Poussés par leur nouveau professeur, les jeunes vont tenter de se libérer du poids de certaines traditions pour s’exprimer à travers la culture hip hop.
« J’ai grandi à Sarcelles dans le Val-d’Oise, dans une banlieue où il n’y avait rien. C’est grâce à des lieux comme la Maison de la jeunesse et de la culture .... que j’ai pu me construire. Nous souhaitions d’abord pouvoir dévoiler de nouveaux talents pour changer les représentations autour de ce quartier. …….. Ensuite, il nous semble important de donner un espace d’expression ouvert aux jeunes de Sidi Moumen. Des possibilités d’expression qui soient autant d’alternatives à la violence, à l’endoctrinement, au fanatisme. Enfin, notre initiative s’inscrit dans le cadre d’une politique de désenclavement du quartier. «
Fort de son expérience et de ses convictions, Ayouch cherche alors à créer un centre culturel là justement où les attentats ont laissé de terribles fractures et traumatismes. Il réunit , dans un lieu délabré , autour de la projection des « Chevaux de dieu », pour la première fois, côte à côte, des familles de victimes et des familles de kamikazes. "L’émotion est là et la certitude qu’ il fallait que la culture inspirée par ce quartier, puisse aussi être réinvestie, particulièrement là où personne ne projetait d’avenir ».
Ainsi est né le centre de Sidi Moumen où aujourd’hui des jeunes, filles et garçons, montrent au monde entier que l’art-ici le rap et le hip hop- peut aider à mettre des mots sur leur mal être, à s’affranchir de leur timidité, à exprimer leurs rêves, leurs révoltes.
Ni Anas , ni les jeunes du film ne sont des comédiens professionnels, mais ils sont extraordinaires de vérité. Ils chantent leurs propres textes. Il s’expriment par le rap, chacun avec sa révolte d’abord timide ensuite revendiquée. Ils discutent, s’affrontent sur les limites de l’expression de leurs critiques de la religion, la famille , la politique. Jusqu’où peuvent -ils aller sans risquer la répression et le retour en arrière ? C’est la question que pose aussi ce film.
« Haut et fort » s’approche du documentaire par tous ces cotés et en cela il représente un témoignage précieux, très fort de cette jeunesse qui grâce à l’art et la culture parvient à s’exprimer et -qui sait- à se libérer de tous ces conservatismes. C’est un film puissant, nécessaire.
France Soubeyran