Cinéphile
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HAMACA PARAGUAYA

Paz Encina (France/Argentine/Paraguay - distributeur : Cinémathèque)

Georgina Genes, Ramon Del Rio

78 min.
15 août 2007
HAMACA PARAGUAYA

« Hamaca… » ou quand la forme donne sens au fond. Un hamac entre deux arbres. Un homme et une femme, époux depuis longtemps, s’y assoient. Trop fatigués, trop désemparés pour avoir envie de s’y balancer. Au loin les aboiements d’un chien et les grondements d’un orage qui approche.

De ces éléments épars et banals sourd lentement une angoisse dont la profondeur est telle qu’elle doit avancer, pour être supportée, masquée par des questions-paravents : quand la pluie tombera-t-elle ? Quand le chien cessera-t-il d’aboyer ? Jusqu’à quand tiendra la trame usée du hamac ?

Ces questions, maintes et maintes fois répétées, arriveront-t-elles à apaiser l’inquiétude du couple dont le fils, parti à la guerre (*), a cessé de donner de ses nouvelles ?

A partir et autour de ce récit méditatif et arachnéen, Encina Paz propose deux réflexions. L’une sensible et métaphysique - Beckett n’est pas loin - sur la mélancolie et la douleur, l’autre rythmée et lancinante sur le temps et son écoulement attendu et redouté - comme dans les tableaux monocordes et chiffrés d’Opalka.

Cet impalpable de solitude, rendu par le fait que les acteurs ne se parlent pas - leurs lèvres sont closes - mais donnent à entendre le secret de leur cœur, est cousu dans une série de longs plans fixes et larges. Ils installent entre le spectateur et les acteurs une relation exigeante qui, au fil de la durée spatiale de l’œuvre, génère un sentiment d’une inexplicable empathie.

Loin de la mobilité itinérante d’un « Bombon : El pero » de Carlos Sorin, proche d’une nature filmée comme si elle était une matière à la façon d’un Alonso Lisandro dans « Los muertes », « Hamaca… », premier film d’une jeune réalisatrice de 35 ans, est une surprenante découverte qui allie une grammaire cinématographique originale à une autre grammaire.

Celle de la langue Guarani - parlée par les peuples indigènes paraguayens avant l’arrivée des Espagnols - à laquelle Paz Encina rend hommage en la sortant de son ghetto de sous-culture, comme Rolf De Heer l’avait fait pour la langue aborigène australienne de la terre d’Arnhem dans « 10 Canoës, 150 lances et 3 épouses ».

Film de terre et de forêt, « Hamaca… » donne, par trois fois, du ciel un reflet lourd et gris d’où ne viendra, semble-t-il, aucune aide pour surmonter les difficultés de la vie.

Celle-ci est à vivre ici-bas, dans le présent, dans la juste et simple acceptation des événements.

"Hamaca..." a reçu le Prix de l’Age d’Or 2006. (m.c.a)

 
(*) celle qui de 1932 à 1935 a mobilisé la plupart des paysans paraguayens contre la Bolivie qui leur disputait le territoire du Chaco.